Faites main, écologiques, élégantes : fabriquées par Ollie G. Wood, les planches en bois A State of Grace importent à Paris l’esprit des grands espaces californiens et collent à l’époque. Take a ride. Comment en vient-on à se reconvertir dans la fabrication de longboard ? Je suis née à Paris, j’ai grandi à Paris, j’ai travaillé […]
Faites main, écologiques, élégantes : fabriquées par Ollie G. Wood, les planches en bois A State of Grace importent à Paris l’esprit des grands espaces californiens et collent à l’époque. Take a ride.
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Comment en vient-on à se reconvertir dans la fabrication de longboard ?
Je suis née à Paris, j’ai grandi à Paris, j’ai travaillé à Paris et beaucoup de nuit. J’ai eu envie de changer de vie, de m’exiler à la campagne, j’avais besoin d’une vie plus calme. J’ai fait du longboard pour la première fois en 2005 en Californie. J’ai beaucoup trainé au bord de la mer. Tout le monde en faisait, de tous âges, de toutes origines sociales. Au bout de quelques heures, tu tiens debout et tu t’amuses. C’est beaucoup plus facile que le skate. J’ai tout de suite flashé sur les planches en bois. Tous les ans, je retournais en Californie et m’en achetais une nouvelle. A un moment, j’ai ressenti le besoin de me fabriquer mes propres planches. J’ai passé un an à travailler sur ce projet, à voir des ébénistes, à discuter avec des gens qui travaillent le bois, à fabriquer des moules, à tâtonner. Bizarrement, lorsqu’en juillet 2012, j’ai fini ma première planche, elle était parfaite !
Tu faisais du skate quand tu avais 14 ans ?
Non. J’ai dû monter dessus une fois et je me suis viandée. Le longboard est différent, même si certaines planches de skate et de longboard peuvent se ressembler aujourd’hui. Le skate est surtout fait pour la rampe, les petites figures qu’on appelle tricks, pour les skate park, pas spécialement pour rouler. Les roues sont très différentes. En skate, elles sont petites et dures, en longboard elles sont grosses, larges et plus molles. Elles ont une accroche au sol plus stable et douce. Les premières planches ont été inventées dans les années 70 en Californie par des surfeurs. Ils ont collé des roues sous leurs planches de surfs longboard. Au fur à mesure, elles se sont raccourcies. Aujourd’hui, avec des longboards, on pratique surtout du cruising, c’est-à-dire de la balade. La taille des planches varie en fonction de l’endroit où tu en fais. Au bord de la mer, tu peux avoir une planche très longue car il y a peu de virage, ça va beaucoup plus vite, c’est plus fluide. Dans Paris, tu utilises des planches plus courtes, plus maniables, réactives, qui peuvent se faufiler partout.
Quelles différences y a-t-il entre un fan de skate et un fan de longboard ?
Les skateurs sont plus jeunes que les longboardeurs – qui souvent faisaient du skate quand ils étaient ado. Il ne faut pas avoir la même condition. Faire du skate park, c’est très physique, on est plus à l’aise sur une longboard, même si avec beaucoup d’entrainement on peut aussi faire des figures comme ici, ici, ou là. On peut aussi faire de la descente de montagne, le downhill, c’est super sportif et se pratique avec des planches très techniques. Il y a aussi le longboard dancing sur des planches très longues. On se déplace dessus en faisant des petits pas, beaucoup de filles en font.
Les filles pratiquent plus le longboard que le skate ?
Oui, c’est très féminin. Dans le skate, les mecs acceptent des filles une fois de temps en temps mais ça ne se mélange pas trop. Les longboardeuses sont très actives et très douées. C’est un groupe de filles d’Espagne, les Longboard Girls Crew, qui a lancé le mouvement il y a quelques années. Elles faisaient des balades à plusieurs. Aujourd’hui toutes les grandes villes du monde, même en Malaisie, ont leur Longboard Girls Crew. Une fois par semaine, j’essaie de faire une petite initiation avec trois ou quatre personnes.
Comment se passe la fabrication ? Tu fais tout toute seule et tu es très attentive au bois que tu emplois…
J’utilise du bois français géré de manière responsable : un arbre est coupé, un autre est replanté. Les bois exotiques sont conformes aux normes européennes. Je travaille avec une petite scierie familiale qui a 150 ans. J’utilise de plus en plus du bois massif pour faire des planches en un seul morceau, c’est agréable à travailler et a l’esprit du surf. Il y a aussi la technique du lamellé-collé, soit différentes couches de bois collées et pressées. Je l’utilise uniquement pour les planches qui ont un galbe. Je recycle aussi d’anciennes planches, je redécoupe, redessine. Je mets quinze jours en moyenne pour en faire une. Toutes mes longboards sont uniques. Actuellement, la plupart des planches que l’on trouve sont fabriquées en Chine. Je ne suis pas une usine, chaque planche reflète l’état d’esprit dans lequel je suis au moment où je la crée. Je n’ai pas envie que deux personnes aient la même planche. Je dessine sur une partie des planches et sur les autres je préfère laisser le bois tranquille, il se suffit à lui-même, il est naturellement beau. J’ai aussi des commandes customisées et je vais avoir des éditions limitées avec une graveuse et une tatoueuse.
Quelle est l’histoire derrière le nom de ta marque, A State of Grace ?
Je me le suis fait tatouer sur le bras en 2006 aux USA. L’état de grâce me rappelle ma grand-mère qui était très religieuse, même si je ne le suis pas. Pour moi, l’état de grâce c’est aussi la Californie, l’endroit où je me sens le mieux au monde.
Comment expliques-tu le come-back actuel du skate et du longboard ?
C’est un état d’esprit. Les gens ont envie de passer à des moyens de transport parallèle, ont envie de faire du sport, de se détendre, de passer plus de temps dehors, de ne pas s’enfermer dans le métro, de se balader. J’ai mis du temps à faire du longboard à Paris car mes planches étaient un peu trop grandes pour ses petites artères. Je n’arrivais pas à trouver ma place. Pour m’adapter, j’ai raccourci les planches. Les grandes planches vont sur les routes et les plus courtes sur les trottoirs.
Parallèlement à la percée du longboard, tu dirais qu’il y a aussi un retour du skate ?
Oui, clairement, le skate a fait son come-back et je trouve ça chouette ! Longboard et skate sont deux disciplines cousines, donc l’une ne va peut-être pas sans l’autre. Perso, je ne suis pas fan des Penny, les petites planches qu’on voit partout à Paris en ce moment. C’est des planches très légères, on peut les trimballer facilement. Elles sont en plastique, fabriquées en Chine. C’est juste une injection dans un moule qui doit couter 3 dollars et est vendue 80 ou 120 euros. Ce sont des produits de piètre qualité de ride, de technique et de trucks (pièces qui tiennent les roues). Mais, malgré tout, ceux qui en font se sont mis au skate. On ne va pas s’en plaindre.
Propos recueillis par Anne Laffeter
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