A 17 ans et avec déjà six ans de carrière à son actif, Tavi Gevinson est rédactrice en chef de Rookie, un site qui mêle mode, pop culture et conseils pour ados, et sort ce mois-ci le deuxième volume de son Rookie Yearbook : 350 pages de collages, de photos, d’articles, de mode, de musique et de […]
A 17 ans et avec déjà six ans de carrière à son actif, Tavi Gevinson est rédactrice en chef de Rookie, un site qui mêle mode, pop culture et conseils pour ados, et sort ce mois-ci le deuxième volume de son Rookie Yearbook : 350 pages de collages, de photos, d’articles, de mode, de musique et de pop. L’ex-blogueuse chouchou de la mode n’a pas dit son dernier mot.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Elle n’a plus les cheveux gris et a remisé lunettes de grand-mère et tenues improbables (mi-girly mi-creepy) au placard : à 17 ans, Tavi Gevinson n’a plus grand chose à voir avec la pré-ado qui lançait, à 11 ans, Rookie Style, un blog de mode sur lequel elle se mettait en scène, décortiquait les créations des grandes marques et racontait un peu sa vie. Son blog avait rencontré le succès auprès des ados mais aussi des professionnels de la mode, la catapultant au premier rang des défilés et en backstage, où, à 14 ans, elle serrait la main de Karl Lagerfeld, qui la complimentait sur ses cheveux argent.
Si son succès émanait de son talent, il découlait aussi d’un phénomène plus global – et à l’époque surprenant : la professionnalisation des blogueurs mode (comme The Sartorialist ou Garance Doré), aujourd’hui relativisée par l’arrivée d’Instagram et d’outils permettant de rendre compte des défilés en temps direct. L’attirance de la sphère fashion pour cette jeune blogueuse était en partie due, aussi, à son âge. En 2010, la directrice du musée du Fashion Institute of Technology Valerie Stelle avouait ainsi que The Rookie Style « n’aurait pas été remarqué si elle [Tavi – ndlr] n’avait pas 13 ans. Si elle en avait 23, on se serait dit ‘Ouais. On s’en fiche!‘ » Enfin, n’étant pas issue du sérail (son père est professeur d’anglais à la retraite, sa mère est tisserande et enseigne l’hébreu) Tavi Gevinson donnait l’impression d’être une self-made woman, voire un petit génie, sans cuillère en argent dans la bouche ni de parcours tout tracé.
L’argent est venu avec le succès : une fois son blog repéré, la jeune Tavi s’est vu offrir des propositions de collaborations avec des magazines prestigieux (Harper’s Bazaar, Vogue…), ce qui lui a permis, comme elle l’expliquait en 2010 au New Yorker, de s’acheter des fringues de marque. Le reste de ses tenues est, lui, toujours venu de ses folles expéditions dans les friperies et à l’Armée du Salut.
Future star du grand écran ?
Alors qu’il y a trois ans, la blogueuse s’étalait dans toute la presse spécialisée, elle avait ces derniers temps un peu disparu des radars. Dans son dernier post de blog sur Rookie Style – qui remonte au 3 avril – elle expliquait à demi-mots vouloir prendre ses distances avec son activité de blogueuse effrénée : « Je n’ai pas l’impression d’avoir encore grand chose à dire, ou plutôt je préfère maintenant dire ce qu’il me reste à dire en privé« . Quelques jours plus tard, elle confiait à AdWeek: « J’ai réalisé lors d’une Fashion Week quand j’étais en première année au lycée que ce monde peut vous faire vous sentir piégé et angoissé (…) que vous ne pouvez pas vraiment voir au-delà de vous-même et je me suis dis que c’était mauvais. J’aimerais éviter ça. »
Résultat : la lycéenne a décidé de se rapprocher du cinéma. Elle joue un petit rôle dans la rom-com’ Enough Said réalisée par Nicole Holofcener, aux côtés du regretté James Gandolfini (Les Sopranos) et de Julia Louis-Dreyfus (qui a remporté cette année un Emmy Award pour la série Veep), et a préféré se rendre au festival du film de Toronto début septembre qu’à la Fashion Week new-yorkaise. Dans une interview au site NextMovie fin septembre, Tavi Gevinson analysait son intérêt pour le métier d’acteur : « Pour moi, jouer un rôle est effrayant car c’est une des seules formes de créativité où vous avez besoin de la permission de quelqu’un d’autre. (…) J’ai toujours été la boss et ma propre boss. C’est différent et c’est aussi ce pourquoi j’aime ça [jouer – ndlr]. J’ai aimé obéir aux directives de Nicole [la réalisatrice – ndlr] et faire partie de la vision de quelqu’un d’autre. »
« La mode et le féminisme peuvent être amis »
Mais Tavi Gevinson n’a pas complètement tourné la page. La preuve : elle a sorti mardi 1er octobre son Rookie Yearkbook Two, soit un pavé de 350 pages à l’esprit très post-moderne. On y trouve des collages, des photos, de la mode, de la musique, un souffle pop et de jolies contributions de l’écrivaine pour ados Judy Blume, de la créatrice de Girls Lena Dunham, et de celle de The Mindy Project, Mindy Kaling, le tout organisé autour d’un seul thème : haunted (hanté). « Hanté par la nostalgie, l’embarras, l’histoire familiale, l’amour, les peines de cœur, les relations passées de toutes sortes. Et les fantômes aussi, bien sûr », précise Tavi Gevinson sur le site dont elle s’occupe désormais à plein temps, Rookie, dont plusieurs productions sont republiées dans son livre.
S’il porte à un mot près le même nom que son blog (Rookie Style), Rookie est un véritable magazine pour ados/jeunes adultes en ligne, structuré en catégories diverses et variées (musique, style, Films+TV, Livres+BD…) et rédigé par de nombreuses collaboratrices, à la première personne du singulier. Car Tavi a conservé le ton proche du journal intime de son célèbre blog : les auteures des articles se mettent en scène, racontent leurs propres expériences, et affirment leurs idées. Dans la catégorie « Love+Sex », l’une clame haut et fort qu’une jeune fille doit pouvoir acheter des capotes sans se sentir jugée, une autre se réjouit de l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, une troisième dresse une liste de six excuses (illustrées par des dessins) à sortir quand on se fait prendre en train de se masturber (« Chérie, tu vas bien ?! J’ai entendu d’étranges gémissements. – Je faisais une sieste et j’ai fait un rêve très bizarre »).
Tavi Gevinson a toujours fièrement revendiqué ses positions féministes. Dans une interview publiée sur le site de Vogue en juillet dernier, elle expliquait : « Je suis féministe parce que je ne pense pas qu’être une fille me limite de quelque façon que ce soit. Je pense que beaucoup de personnes ont peur du terme et préfère se revendiquer humaniste ou autre parce qu’ils pensent que le féminisme ne concerne que les femmes, mais le féminisme consiste beaucoup à faire tomber les constructions sociales et les idées sur le genre qui nous oppressent tous. » En avril, elle affirmait à AdWeek que la mode et le féminisme ne sont pas indissociables : « Parfois je suis encore embarrassée quand les gens me demandent ‘Tu as ce blog c’est ça?’ Et j’ai peur qu’ils pensent que je suis superficielle parce que j’écris sur la mode, ou plutôt j’écrivais. Je pense vraiment que la mode et le féminisme peuvent être amis. Je pense même que la mode peut être un outil féministe, d’expression personnelle, d’individualité et d’autorité. Mais l’industrie a clairement des défauts qui me gonflent vraiment. »
Malgré tout, Tavi Gevison reste une lycéenne comme les autres : elle ne veut pas perdre pied avec les cours, fait ses devoirs consciencieusement, postule actuellement pour les universités de la côte est sans vraiment savoir où elle veut aller, et aime regarder Breaking Bad en pyjama.
Carole Boinet
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}