Une vidéo mise en ligne le 2 décembre met en scène des “mipsterz”, soit des hipsters musulmans. Simple coup marketing ou réel mouvement ? Décryptage. Depuis deux jours, une étrange vidéo est relayée sur les réseaux sociaux et certains sites d’info américains (Jezebel, Huffington Post…). On y voit de belles jeunes femmes voilées et bien […]
Une vidéo mise en ligne le 2 décembre met en scène des « mipsterz », soit des hipsters musulmans. Simple coup marketing ou réel mouvement ? Décryptage.
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Depuis deux jours, une étrange vidéo est relayée sur les réseaux sociaux et certains sites d’info américains (Jezebel, Huffington Post…). On y voit de belles jeunes femmes voilées et bien fringuées faire du skate, se promener dans New York, couper des bûches dans un bois, rouler en moto de nuit, et prendre la pose, le tout rythmé par le morceau de Jay-Z Somewhere In America.
http://www.youtube.com/watch?v=z3Nq0NzRrfE
Ce sont des « mipsterz », contraction de « hipsters » et « muslims », soit des hipters musulmans. Le néologisme n’est pas nouveau : on retrouve sa trace sur une page Facebook créée en 2012 baptisée « Mipsterz – Muslim Hipsters ». Les « mipsterz » y sont décrits comme « des avant-gardistes de la musique, de la mode, de l’art, de la pensée critique, de la nourriture, de l’imagination, de la créativité et de tout ce qui est obscure ». Un mipster « recherche l’inspiration dans les écritures divines de la tradition musulmane » mais a « une identité ironique« . Un mipster serait aussi et surtout la cible de critiques féroces dues à sa double identité de musulman et de hipster, comme souligné avec humour sur la page Facebook dédiée au mouvement: « Attendez, ils nous détestent parce qu’on est musulmans ? Je pensais qu’ils nous détestaient parce qu’on était hipsters !? »
Hipster musulman cherche âme soeur
Au mois d’octobre a été lancé « Hipster Shaadi« , un site de rencontre dédié aux mipsterz, qui se propose de vous matcher avec « une personne sociable, ouverte d’esprit, aimant étudier la tradition musulmane, cuisiner, parler d’art et de mode ». Interviewés en novembre par le Guardian, les deux créateurs du site, Shereen Nourollahi, 26 ans, et Humaira Mubeen, 24 ans, racontent avoir cherché à mettre sur pied « quelque chose de très simple, qui permette aux internautes d’écrire sur eux-mêmes. Pas comme les autres sites où les parents postent des profils sympas et très propres qui mettent en avant les diplômes de leurs enfants, leur taille et leur bonne mine. »
En naviguant sur le site, on tombe sur des profils de ce type : « Étudiante en cinéma de Beyrouth, voilée, progressiste, féministe, fan du cinéma iranien. J’adore écouter du Oum Kalthoum et lire Sylvia Plath [poétesse américaine du milieu du XXe siècle, ndlr] et Rumi [poète musulman du XIIIe siècle, ndlr] » ou encore : « Je suis une fille du Midwest délocalisée sur la côte est. Je suis une yogi optimiste. (…) J’aime tous les types de musique live, je collectionne les vinyles, je suis une ancienne serveuse de café devenue une fan de thé et je cherche toujours le meilleur expresso et en bois dans toutes les villes que je visite (…) J’aimerais devenir vegan mais j’aime trop le biryani. »
Sexisme ?
Mais la vidéo n’a pas fait l’unanimité. Dans un article publié sur le site Islamic Monthly, la journaliste Sana Saeed déplore son manque de fond, estime qu’elle échoue à lutter, comme elle le prétend, contre les clichés et dénonce son côté sexiste. Réalisée par deux hommes, le clip se concentre beaucoup trop à son goût sur la plastique et l’esthétique des jeunes femmes, qui ne prononcent jamais la moindre phrase. Pour finir, la journaliste dénonce l’utilisation de la version non-censurée du morceau de Jay-Z ainsi que la quête de « normalité » des mispterz, qui pourrait conduire, selon elle, à leur faire perdre leur « essence » et va à l’encontre des principes de l’Islam. A ses yeux, le port du voile est incompatible avec la superficialité des jeunes femmes dans la vidéo.
Contacté par Les Inrocks, le réalisateur de la vidéo, également co-directeur de Sheikh Bake, qui l’a produite, Habib Yazdi affirme qu’il s’agit simplement d’un « clip » et non d’une « déclaration politique, d’une représentation de toute la communauté musulmane ou d’une présentation précise et complète des femmes, qui sont plus complexes, plus inspirantes et plus fortes que ce qu’un objectif de caméra peut capturer ». Il explique avoir seulement voulu réaliser « un hommage à [ses] amis, aux personnes qui s’habillent et se comportent d’une façon [qu’il aime] ».
Aminah Sheikh, une des modèles de la vidéo, contre-carre elle aussi les critiques dans une tribune postée en ligne. Elle y explique avoir voulu montrer que le voile n’était pas une barrière : « Les femmes voilées sont des êtres humains et c’était le but de la vidéo. Je connais des femmes voilées qui font du vélo, du skateboard et écoutent du rap. Vous pouvez être dans le déni et renforcer la dichotomie « nous et eux » et l’Occidentalisme. (…) L’Islam est une religion mondiale qui compte environ deux milliards de fidèles et a des trajectoires historiques et colorées. »
Dans un post publié sur son profil Facebook, une des modèles de la vidéo se montre plus réservée. Elle raconte que le morceau d’origine ne devait pas être celui de Jay-Z, qu’elle estime « inapproprié » et écrit « cela aurait-il était mieux de voir un panel plus grand de femmes voilées ? Probablement« . Et de conclure: « J’ai décidé de prendre le positif de cette vidéo et de laisser le négatif. Et la prochaine fois, soyez certains que si je participe à un truc de ce style, je ferai attention à checker les modifications avant que le produit fini ne sorte ».
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