Prolongement logique des soirées Concrete, le Weather Festival confirme une tendance : la réinvention radicale de la scène electro entre Paris et sa banlieue. Sa deuxième édition propose une affiche d’excellence : préparez-vous, une des plus grosses fêtes de l’année vous attend. “J’ai toujours rêvé qu’un truc comme ça existe. Aujourd’hui, ça dépasse toutes mes espérances.” […]
Prolongement logique des soirées Concrete, le Weather Festival confirme une tendance : la réinvention radicale de la scène electro entre Paris et sa banlieue. Sa deuxième édition propose une affiche d’excellence : préparez-vous, une des plus grosses fêtes de l’année vous attend.
« J’ai toujours rêvé qu’un truc comme ça existe. Aujourd’hui, ça dépasse toutes mes espérances.” Adrien Betra, tête pensante du combo Weather-Concrete, n’est pas mécontent du chemin parcouru. Brice Coudert, le directeur artistique du projet, non plus: “On a voulu frapper un grand coup avec ce festival. On voulait que les gens se disent : ‘Il y a enfin quelque chose qui envoie à Paris, plus besoin de prendre l’avion’.”
La première édition du Weather, en 2013, fut un événement chez les teufeurs. Ce qui se profilait depuis quelques années à Paris se concrétise avec plus d’ambition que jamais : une énorme programmation techno-house (Marcel Dettmann, Nina Kraviz, DJ Deep, Robert Hood, Paul Ritch…) squatte le palais des Congrès de Montreuil pour ce qui restera la confirmation d’un mouvement d’émergence devenu incontournable dans le paysage electro. Toujours en 2013, on a également pu assister aux premières éditions du Peacock Society (au Parc floral de Vincennes) et du Marvellous Island (sur l’île de la Porte-Jaune, dans le XIIe arrondissement de Paris).
De nouvelles façons de penser la musique électronique
Avant eux, le terrain avait été défriché par quantité de jeunes collectifs. BP, Débrouï-art, Manifart, Draft ou encore les excellents 75021 et Soukmachines ont inventé de nouvelles façons de pratiquer la musique électronique. Du côté des lieux, ça s’agite également depuis un moment – et surtout en banlieue : des projets comme le 6B de Saint-Denis ou la Sira d’Asnières ont élargi des horizons encore très largement inexplorés. Alors que le Rex Club a récemment fêté ses 25 ans, la teuf parisienne n’a jamais été aussi prometteuse et inventive. Ceux qui, il n’y a pas si longtemps encore, ont vécu la marginalisation et souffert des clichés associés à la fête se retrouvent à l’avant-poste des problématiques politico-culturelles.
Car au-delà du discours musical fondé sur un certain retour au purisme techno-house, tous ont en commun des projets dépassant de loin le simple motif de la fête : récupération du patrimoine industriel, déplacement du public entre centre et périphérie, occupation de nouveaux espaces, création de lien entre pratiques dissonantes et valorisation d’une certaine sous-culture de la teuf sont autant d’idées défendues collectivement. Car si l’utopie du Grand Paris n’en reste souvent qu’au stade des idées face à l’inertie politique, les artisans de cette nouvelle scène electro sont déjà lancés à 130 bpm. Mais pourquoi ces enjeux ? Pourquoi ce besoin de gagner en légitimité, puis de tout repenser, de tout reprendre à zéro ? Ces mots pour tenter d’expliquer : le spectre des rave parties, et les abus des clubs pendant trop d’années. Brice Coudert :
“Nous, on est là pour apporter de la musique, de la culture. L’esprit rave et révolutionnaire, on a vu que ça n’a pas marché dans les années 90. Ceux qui ont essayé se sont mis les autorités à dos. Tout a fermé. Maintenant on veut le faire de façon régulière, pour que l’histoire ne se répète pas.”
Adrien Betra :
“On porte vraiment ce projet comme une philosophie de vie, c’est-à-dire qu’on veut fournir du travail bien fait, et une volonté personnelle d’apporter de la culture et du loisir aux gens. C’était vital de reconfigurer la nuit parisienne. Aujourd’hui, il y a une liberté rangée – mais elle est peut-être encore plus large parce que le contexte est apaisé : tu sais que tu es dans un endroit sain, que c’est géré par des professionnels, que les flics ne vont pas débarquer. Sans pour autant tomber dans le truc hyper straight des clubs classiques… Pendant trop longtemps, il y a eu de la ségrégation sociale dans les clubs. C’est inadmissible et dégueulasse, ce genre de pratiques.”
Concrete : déjà une institution
La Concrete est désormais un pilier de la fête parisienne – tant et si bien qu’on oublierait presque les comparaisons fatigantes avec Berlin ou Brooklyn. Installée sur un bateau quai de la Rapée, dans le sud-est parisien, elle a bouleversé le paysage local en popularisant le concept d’after. Aujourd’hui, elle l’a fait évoluer : on parle déjà plus facilement de formats jour, un public fidèle et grandissant ayant complètement repensé ses habitudes et la pratique même de la musique électronique. Adieu la systématisation des rengaines de la nuit et des microsets de DJ qui se bousculent.
De nouveaux teufeurs, plus exigeants, ont pris goût aux fêtes sous le soleil et aux discours d’excellence artistique. Allez faire un tour à la Concrete un dimanche à n’importe quelle heure de la journée, vous y trouverez les meilleurs DJ en train de chauffer un public ayant intégré ce changement, et prêt à regarder en direction de l’avenir. Brice Coudert :
“A un moment, on a commencé à s’ennuyer à Paris, et on savait qu’on n’était pas les seuls. Avec la Concrete, on a eu l’impression de répondre à notre propre besoin, et donc à celui des autres. On sentait que c’était ce que les gens voulaient : des fêtes longues, qui commencent le matin et qui durent vingt heures. Ça nous a donné l’occasion de laisser la liberté aux artistes de faire des sets de trois ou quatre heures, d’avoir huit artistes sur le plateau – c’est-à-dire une véritable aventure tout au long de la journée. Il y a tout de suite eu cette volonté de créer une institution à Paris.”
« Attirer les gens avec des trucs pointus »
Le Weather Festival est donc la suite logique de cette aventure. Car qu’est-ce que ce festival, sinon une Concrete géante délocalisée dans des lieux à la hauteur de son ambition ? Voyez plutôt. Le jour de l’ouverture (le 6 juin), c’est à l’Institut du monde arabe que commenceront les festivités. Au programme : Mount Kimbie et le Moritz Von Oswald Trio pour se mettre en jambes. Car les 7 et 8 juin s’annonce ce qui restera une des plus grosses teufs de l’année en France.
Pendant vingt-deux heures sans interruption, défileront sur les quatre scènes du Parc des expositions du Bourget : Derrick May, Ben Klock, Marcel Dettmann, Rødhåd, DJ Deep, Ricardo Villalobos, Seth Troxler, Antigone… Soit un mélange impressionnant de tauliers et de nouvelles têtes de la scène techno house internationale. Pour la Concrete comme pour le Weather, Brice Coudert résume ainsi les choses :
“Pour moi, c’était simple : il y avait beaucoup d’artistes que je voulais voir et qui ne venaient pas à Paris. Et pourquoi ils ne venaient pas ? Parce que les patrons de clubs n’y connaissaient pas grand-chose, ils avaient peur de prendre des risques… Il y avait une centaine d’artistes qui tournaient à Paris et tu ne voyais pas les autres. Nous, on s’est dit qu’on allait réussir à attirer les gens avec des trucs pointus.”
Pour la clôture, on pourra écouter 3 Chairs et voir danser Juste Debout. Ça se passera sur l’île Seguin, à Boulogne, trois jours après l’ouverture du festival en plein centre de la capitale. Symbole ultime des liens fraîchement tissés entre Paris et sa banlieue.
Maxime de Abreu
Weather Festival du 6 au 9 juin
Interview intégrale des DA du Weather, Adrien Betra et Brice Coudert : sous ce lien