Alain Tanner est l’autre grand cinéaste suisse, l’auteur de films importants de la modernité tels que La Salamandre, Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 ou Dans la ville blanche. Noël Simsolo a été acteur, cinéaste, mais il est surtout connu pour son passage aux Cahiers du cinéma et en tant qu’auteur de livres […]
Alain Tanner est l’autre grand cinéaste suisse, l’auteur de films importants de la modernité tels que La Salamandre, Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 ou Dans la ville blanche. Noël Simsolo a été acteur, cinéaste, mais il est surtout connu pour son passage aux Cahiers du cinéma et en tant qu’auteur de livres sur Fuller, Eastwood, Leone. Tanner et Simsolo viennent de publier chacun un livre de “souvenirs”, comme des points finaux sur une vie en cinéma, des bilans vivants, féconds et pas trop nostalgiques d’une époque morte, et à bien des égards fabuleuse. En petits chapitres classés alphabétiquement et par thèmes (au hasard, “doute”, “gauche-droite”, “lard”, “patates”…), Alain Tanner fait le tour de sa vision du cinéma et de son métier, joignant toujours la théorie et la pratique. C’est un véritable traité de cinéma moderne qu’il nous livre, mais dans un langage simple, direct, dégraissé de tout jargon et de toute prétention. Tanner a bien sûr des idées sur le choix des acteurs, le naturalisme, les types de récit, le rôle de la musique, la place d’une caméra, mais ses options esthétiques sont toujours liées à son vécu concret, à son expérience sensible. Voilà par exemple comment il justifie son rejet du décor artificiel : “Pour moi, le lieu du film est absolument essentiel. (…) Ce lieu, je ne peux pas le recréer. Il doit être une part de la réalité, avoir une existence réelle, voire un esprit, une âme, une trace d’un passé peut-être…” Voilà, Tanner faisait les films qu’il faisait non pas par dogme, mais parce que cela obéissait à son propre rapport au monde, à des intuitions qui lui traversaient le corps et l’esprit. Cela s’appelle aussi une éthique. Noël Simsolo est moins théorique, son livre est une série de portraits de gens aujourd’hui disparus. Quelle galerie ! Demy, Eustache, Fassbinder, Fuller, Leone, Clémenti, Daney, Biette, mais aussi Gabin ou Gainsbourg, ont croisé longuement ou brièvement la route de Simsolo. Ne versant jamais dans l’hagiographie, incluant les travers des gens qu’il dépeint, Simsolo parvient en quelques pages à transcrire la complexité humaine de ces monstres du cinéma, à en exhumer un trait saillant, à dévoiler leur fragilité derrière l’image sociale, à les saisir dans les coulisses de la représentation : la solitude et la timidité de l’ogre Leone, le caractère difficile, ombrageux, dévorant de Fassbinder, les hauts et les bas de Jacques Demy, le dandysme jusqu’auboutiste, suicidaire, parfois cruel de Jean Eustache… Chacun à leur manière, très différente, Tanner et Simsolo nous font revivre une sorte d’époque dorée du cinéma où les aventuriers, les furieux, les cassecou, les tordus, les hors normes, les non réductibles à la loi du marché avaient toute leur place dans le cinémonde et coexistaient sans difficulté avec les rois du box-office. Quand on lit ça, on a envie de hurler “Vive les vieux ! vive les morts !”
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