Femme au volant, brushing au tournant ? Une vidange, une manucure, un cupcake : c’est la triplette gagnante d’Only Girls, un garage ouvert il y a moins de deux mois et qui fait déjà parler de lui. Situé à Saint-Ouen-l’Aumône en Ile-de-France, le lieu a un argument de vente irrésistible : un staff 100 % […]
Femme au volant, brushing au tournant ?
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Une vidange, une manucure, un cupcake : c’est la triplette gagnante d’Only Girls, un garage ouvert il y a moins de deux mois et qui fait déjà parler de lui. Situé à Saint-Ouen-l’Aumône en Ile-de-France, le lieu a un argument de vente irrésistible : un staff 100 % féminin (à l’exception de son fondateur Laïd Hdachi) et des services des plus girly.
Son but : repeindre en rose un univers par tradition saturé de testostérone. Quand l’attente se fait longue, une esthéticienne embauchée à plein temps propose des manucures, massages ou épilations des sourcils. Un salon de thé à l’américaine est également disponible ainsi qu’une salle de jeux pour les bambins. Mais Only Girls vante surtout la transparence de ses évaluations, chose rare envers les conductrices. “Les garagistes sont très sexistes et sous-évaluent quasiment toujours les clientes, qu’ils prennent pour des écervelées”, estime Laïd Hdachi. Là, des demoiselles mécano(tes) expliquent “en langage simple” – aux femmes de suivre et de se familiariser avec le processus.
M’sieur l’patron met une chose en évidence : la discrimination dans le milieu auto est vieille comme le monde. Dès l’arrivée de madame derrière le volant, au début du XXe siècle, dictons et blagues grasses fleurissent sur sa prétendue incapacité à gérer un bolide. Pour le sociologue John Berger, une femme au volant menace l’ordre établi, qui repose sur la segmentation genrée et binaire entre espaces public et privé. Une donzelle nulle en conduite perpétue donc l’idée antique qu’elle est incapable de survivre seule dans la jungle urbaine.
Only Girls, mais aussi l’américaine Girls Auto Clinic, ou encore les soirées spécial filles de Harley Davidson sont des exemples de gendered marketing (marketing genré), qui opèrent via des signifiants girly caricaturés (escarpins ou typo en rouge à lèvres incorporés dans le logo). Et si ces nouveaux business relèvent d’un réel problème, un hic demeure : dans une tentative d’introduire la femme dans une sphère masculine, ils ne proposent finalement qu’un triste ersatz couleur barbe à papa, une copie conforme du cocon domestique dont ils promettent l’émancipation. A quand un garage, brasserie, ou PMU gender-neutral ?
Alice Pfeiffer
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