Ouvert en 2010, le salon de tatouage Bleu Noir est volontiers suivi de l’adjectif « tendance ». Un succès populaire motivé par la « veine graphique », très plébiscitée, que pratiquent les deux fondateurs-tatoueurs : Jeykill et Veenom. Au-delà de l’acte, Bleu Noir explore l’art du tatouage sous toutes ses formes en proposant produits dérivés, installations, résidences […]
Ouvert en 2010, le salon de tatouage Bleu Noir est volontiers suivi de l’adjectif « tendance ». Un succès populaire motivé par la « veine graphique », très plébiscitée, que pratiquent les deux fondateurs-tatoueurs : Jeykill et Veenom. Au-delà de l’acte, Bleu Noir explore l’art du tatouage sous toutes ses formes en proposant produits dérivés, installations, résidences d’artistes et expositions.
Entre art et graphisme, les frontières sont désormais poreuses. Entre l’un et l’autre, Jeykill a décidé de ne pas choisir cultivant dès sa sortie de l’école de graphisme un refus pour « l’exé » pure et simple. Aux sacro-saints Illustrator et Photoshop, il préférera toujours le dessin sous toutes ses formes : peinture, illustration ou typographie. Ses envies de « créas », il les trouve aux portes du collectif 9eme concept qu’il rencontre en 1999. Cette plateforme transdisciplinaire fondée par Stéphane Carricondo, Ned et Jerk 45, croise les talents en proposant des savoir-faire allant de la production de concept à la scénographie en passant par le design produit. Une émulation artistique intense qui pousse Jeykill à la rencontre du tatouage (et de Veenom), pratique qui lui permet de rapidement faire évoluer son style : lignes fines, courbes ultra- précises, lettres dessinées et dot art. En ouvrant Bleu Noir avec Veenom en 2010, il souhaite prolonger l’expérience 9eme concept en proposant expositions, créations diverses et goodies à ceux qui passent la porte de leur shop. Jeykill raconte.
Dès l’ouverture de Bleu Noir, il y a cette volonté forte de lier tatouage et culture graphique, pourquoi ?
En 2009, je suis allé présenter mon travail dans quelques salons parisiens dans l’espoir de travailler dans un shop mais mon profil d’ovni n’intéressait personne. Comme nous avions l’habitude de collaborer depuis pas mal de temps et que nous sommes complémentaires, j’ai monté avec Veenom le projet de la boutique Bleu Noir. Le lieu d’expo, l’envie d’organiser des événements avec d’autres artistes… tout était évident par rapport à notre passif. On a fait les choses naturellement, sans trop se poser de questions.
Ton premier tatouage ?
Un tribal symétrique dans le bas du dos d’un de mes meilleurs potes… Ça va, nous sommes restés amis et je continue à le tatouer !
Aujourd’hui, tu arrives à un style très fin à la croisée du graphisme et de la typographie, tu lies finalement ton premier métier au tatouage, quel a été le déclic ?
A un moment, je me suis rendu compte que je pouvais tatouer mes dessins sans avoir à coller aux références traditionnelles. Le public a évolué et certains étaient prêts à se faire tatouer des choses très différentes. A partir de là, j’ai commencé à envisager mes tatouages comme mes toiles : en me permettant un maximum de mélanges.
Cette « veine graphique » est relativement récente, mais très pratiquée par une nouvelle vague de tatoueurs, en quoi te différencies-tu ?
Je ne sais pas trop comment me situer par rapport aux autres tatoueurs car j’évolue en marge du milieu. En tout cas, je pense être plus artiste que graphiste, je fais beaucoup de free hand [sans calquer de dessin sur la peau, ndlr.], sauf pour des pièces symétriques ou compliquées du type mandalas. Il y a toujours une grande part d’improvisation, ce n’est pas l’idée qu’on se fait du « tatoueur graphiste ». Cette façon de travailler implique que le client me fasse confiance à 100%, il ne voit pas le dessin tant que le tatouage n’est pas fini.
Alors que le tatouage était un milieu fermé autant dans sa pratique que dans ses références, Bleu Noir prône justement une grande ouverture : vous tatouez, proposez des expositions, des produits dérivés même. Finalement, chez vous, la contre-culture se frotte à la culture pop, ce qui peut être paradoxal. Comment vous situez-vous ?
Nous faisons ce que nous savons faire de mieux : dessiner. Que ce soit pour des tatouages ou pour des produits dérivés, cela n’est pas si différent. On ne cherche pas à coller à un courant en particulier, par contre les gens aiment nous coller des étiquettes : nous sommes « hipsters » ou « branchés » aux dires de certains, « commerciaux » pour d’autres… Je ne sais pas quoi en penser, on fait notre chemin. Nous nous fixons une ligne de conduite et n’acceptons une collaboration que si elle nous parle. Pour ma part, je fais une grosse sélection sur les tatouages afin de travailler sur des projets qui correspondent à mon travail, je fais des compromis mais pas trop.
Tequila Sunrise, exposition de dessins par Jeykill, jusqu’au 25 septembre au studio Bleu Noir.
Bleu Noir , 25, rue Durantin à Paris
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Cécile Becker