Diplômée des Arts-Décoratifs de Strasbourg en 2011, la jeune illustratrice Marion Fayolle a déjà publié cinq livres, illustré des articles pour le New York Times et Télérama, et entrepris une collaboration avec la marque de vêtements Cotélac. Chez Marion Fayolle, la légèreté n’est qu’apparente : au charme des dessins évoquant d’anciennes bandes dessinées pour jeunes filles […]
Diplômée des Arts-Décoratifs de Strasbourg en 2011, la jeune illustratrice Marion Fayolle a déjà publié cinq livres, illustré des articles pour le New York Times et Télérama, et entrepris une collaboration avec la marque de vêtements Cotélac. Chez Marion Fayolle, la légèreté n’est qu’apparente : au charme des dessins évoquant d’anciennes bandes dessinées pour jeunes filles se mêle la bizarrerie du surréalisme et la profondeur des questions métaphysiques. Entretien.
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Dans tes dessins, il y a souvent des corps fragmentés : nez, oreilles , jambes détachées du corps… Tu figures ainsi des désordres physiques (la maladie dans La tendresse des pierres) ou mentaux (comme la curiosité devant le corps de l’autre dans Les Coquins). Pour toi, le dessin est une façon de dédramatiser la vie ?
Marion Fayolle : Pour moi, les personnages ne sont pas vraiment des humains, ils n’ont pas de prénom, pas d’identité très définie. Je les vois davantage comme des silhouettes théoriques, des sujets à réflexion. C’est sans doute pour cette raison que je les manipule un peu comme des marionnettes, des pantins que l’on peut démembrer sans que cela ne soit trop grave. Comme des vases, ils peuvent se casser en chutant; comme des gâteaux, on peut les partager en parts égales; comme des tortues, ils peuvent rentrer leur tête dans leur corps. C’est pour toutes ces possibilités que j’aime autant le dessin, parce qu’avec lui, on peut tout faire, tout inventer et faire apparaître d’autres visions du réel.
Dans mon livre La tendresse des pierres, je raconte la maladie de mon père et les bouleversements familiaux qui en découlent. Le sujet est assez grave mais les images permettent d’amener du recul, de l’humour aussi. Et c’est ce que je trouve intéressant. Le personnage du père commence par subir d’étranges modifications physiques, puis il devient un enfant dont on s’occupe, un rocher que les évènements abîment, un roi tyrannique, un acteur dans sa loge avant l’ultime représentation. C’est à la fois une façon de dédramatiser et une manière de montrer les choses autrement pour davantage toucher au vrai.
Lorsque j’ai travaillé sur mon dernier livre Les coquins, je voulais parler des rapports intimes entre les gens. J’ai commencé par faire des listes, je référençais toutes les choses pouvant rappeler la forme d’un sein, d’un sexe, d’une paire de fesses. C’est comme ça que j’ai, petit à petit, construit ces images, que l’homme escargot s’est retrouvé en face de la femme salade, que l’homme fusée s’est allongé au pied de la femme lune… Je trouve amusant de créer un contraste entre la forme et le fond, de tromper le lecteur quelques instants. Mes images sont assez douces, un peu enfantines, on est souvent loin de se douter de ce qu’elles racontent.
On pouvait trouver tes premiers livres en librairies pour enfants. Il n’en est pas de même pour le dernier, Les coquins, recueil de dessins gentiment érotiques. A quel public tes livres sont-ils destinés ?
Mon tout premier livre, L’Homme en pièces, est à destination des adultes. Il rassemble une collection de petites histoires muettes et surréalistes qui parlent des rapports entre les hommes et les femmes. Ensuite, j’ai fait deux livres davantage pour la jeunesse : Nappe comme Neige et Le tableau. Et puis, récemment, j’ai publié La tendresse des pierres, et un recueil de dessins érotiques Les coquins.
En réalité, je ne me pose pas vraiment la question du public. J’envisage le dessin comme un langage à part entière. Je fais les livres que j’ai envie de faire et ensuite les libraires les rangent dans les rayons qui semblent le mieux convenir. Je ne sais pas trop comment définir mon travail, je dirai que je fais des livres illustrés. A priori, mon dernier livre Les coquins est davantage pour les adultes, pourtant il intrigue beaucoup d’enfants et parfois ce sont des très jeunes qui me demandent des dédicaces!
A côté de ton travail d’auteure, tu illustres des articles pour des magazines comme XXI, Télérama ou le New York Times. Tu as aussi créé en avril dernier des motifs pour la marque Cotélac. Considères-tu ces activités comme annexes, ou sont-elles aussi importantes pour toi que la publication de tes livres ?
Je donne la priorité à mes livres, c’est le plus important pour moi. Si je n’ai pas de projets personnels en cours et que je ne fais que de la commande, je ne me sens pas très bien… Il est primordial que je garde du temps pour écrire, pour construire des projets d’édition; c’est comme ça que je me fais le plus plaisir et que je me sens vraiment vivante. Je bosse de plus en plus fréquemment pour des journaux, des magazines et c’est une partie de mon métier qui me plait aussi beaucoup. Le temps de travail est différent : j’ai quelques heures pour trouver des idées sur un thème; c’est aussi stressant que stimulant. Et ça me permet de sortir un peu de ma bulle.
Cette année, j’ai eu la chance de travailler pour la marque de vêtements Cotélac. Lorsqu’on a une commande comme celle-ci, on ne peut que se réjouir ! C’est une très belle expérience et c’était assez insolite de quitter le support papier et d’aller à la rencontre d’un tout autre milieu.
Le dernier ouvrage de Marion Fayolle, Les coquins, vient d’être réédité aux éditions Magnani.
Propos recueillis par Hélène Tissier
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