Après le bling-bling, la culture des rues impose un nouveau genre de visibilité à la mode masculine. Lors du dernier défilé masculin de Givenchy, un malabar évolue à pas lourds sur le podium circulaire. A première vue, il semble porter un néo-uniforme de base-ball. A première vue seulement : on remarque vite que son T-shirt […]
Après le bling-bling, la culture des rues impose un nouveau genre de visibilité à la mode masculine.
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Lors du dernier défilé masculin de Givenchy, un malabar évolue à pas lourds sur le podium circulaire. A première vue, il semble porter un néo-uniforme de base-ball. A première vue seulement : on remarque vite que son T-shirt est composé de tulle transparent et que sa tenue est brodée de perles dessinant un motif floral rococo. Voilà la masculinité telle que la fantasme le créateur de la marque Riccardo Tisci : la fusion joyeuse et inattendue du ghetto-chic et d’un raffinement queer. Le designer italien n’est pas le seul à rêver d’un gros dur en jupette : cette saison, la Danoise Astrid Andersen imagine des musclors en brassière sportive, l’enseigne new-yorkaise Hood by Air crée des maillots de basket-ball détournés en robes pour hommes, et la marque parisienne Andrea Crews façonne des pagnes en soie irisée.
Qu’on se le dise : dans l’inconscient collectif de la mode, le gangsta chic n’est plus synonyme d’hétéronormativité. En réaction probable au coming-out de certains rappeurs (Frank Ocean), ou aux travestissements d’autres (Le1F, Mykki Blanco), l’empire du chiffon défend un propos plus queer : l’apparence physique et les choix vestimentaires n’ont plus forcément à voir avec l’intimité et l’orientation sexuelle. Ainsi, Givenchy nous promet qu’il est possible aujourd’hui de rouler des mécaniques ou de jouer les petites frappes en jupon fleuri et Air Max. Les podiums nous rappellent que le genre n’est que performance et qu’une fluidité entre les attributs des deux sexes peut être libératrice, vitale.
Difficile donc de ne pas penser aux années 70 lorsque les femmes imposaient une libération sociale, politique et sexuelle en arborant le smoking réservé aux hommes. Serions-nous à l’aube d’une émancipation masculine, forte de son adoption de détails girly ? Une chose est sûre : si ,dans les années 90, le bling-bling imposait une visibilité (littérale et symbolique) des classes populaires dans une hiérarchie sociale sclérosée, aujourd’hui, cette nouvelle vague de streetwear réclame un autre genre d’égalité. La rue est enfin redevenue un terrain politique et revendicatif.
Alice Pfeiffer
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