Des centaines de personnes se sont réunies autour de la fontaine des Innocents à Paris pour le premier rassemblement « Black Lives Matter France ». Les mots d’ordre : justice pour Adama Traoré et lutte contre la « négrophobie ».
« Ici c’est Black Lives Matter ! » À l’appel d’une vingtaines d’associations contre le racisme anti-noir, la foule s’amasse autour de la fontaine des Innocents, samedi 23 juillet à Paris. Au loin, les forces de l’ordre scrutent la scène avec attention. Depuis la mort d’Adama Traoré après un contrôle de police, les affrontements sont presque quotidiens à Beaumont-sur-Oise. Le public a beau être non-violent, la première manifestation « Black Lives Matter France » démarre dans un contexte tendu.
« Il faut obliger l’état à regarder le phénomène en face. »
« En France, il n’existe pas de terme spécifique pour évoquer la détestation des noirs. » Sur les t-shirts comme les pancartes, la lutte contre la « négrophobie » est légion. Un terme cher aux manifestants qui veulent « obliger l’état à regarder le phénomène en face ». « Nous avons voulu profiter de la médiatisation du mouvement Black Lives Matter pour sensibiliser les Français sur ce qui se passe ici », explique un speaker au public. Entre-temps, les violences de Beaumont-sur-Oise ont donné une résonance particulière au rassemblement. Un événement « non prévu » qui renforce le sentiment de violence policière chez les organisateurs de la manifestation. Une minute de silence est respectée en la mémoire du jeune homme décédé.
Cliquez sur les pastilles pour écouter le discours des intervenants
Pendant deux heures, des intervenants venus d’associations diverses s’expriment sur les malheurs du peuple noir. Violences policière, colonisation, esclavage… les messages sont directs et sans tabous. « La négrophobie vous tue intellectuellement avant de vous tuer physiquement », hurle un organisateur. « Détruire notre histoire et notre culture est une forme de génocide », ajoute un autre. Malgré une ambiance pacifique les comparaisons sont parfois violentes : « L’état français est tel un pédophile qui chérit ses enfants et viole ceux des autres », martèle le principal speaker de la manifestation.
« Le problème du racisme nous touche tous »
« Peu importe le pays, lorsqu’il y a du racisme il faut une unicité. » Venue lutter contre « la normalisation des crimes contre les gens de couleurs », Fatima, 40 ans, hoche la tête à mesure que les intervenants s’expriment. Non loin d’elle, Estelle 26 ans partage son désir d’internationalisation de la lutte contre le racisme : « Black Lives Matter existe déjà en ailleurs dans le monde. Le problème du racisme nous touche tous quelque soit notre communauté. » Certains déplorent cependant la venue d’associations controversées telles que la Nation Of Islam. Son ancien leader Elijah Muhammad ayant plusieurs fois qualifié l’homme blanc de « diabolique ».
Également présente, la sœur de Lamine Dieng, une victime de violence policière. En juin 2007, l’homme avait trouvé la mort lors de son interpellation en pleine nuit à son domicile. Attentif, le public écoute le récit de son arrestation musclée. Nombreux font le rapprochement avec celle d’Adama Traoré malgré la thèse de la crise cardiaque évoquée par le procureur République de Pontoise, Yves Jannier. Deux enquêtes sont toujours en cours par la section de recherches et l’inspection générale de la gendarmerie pour faire la lumière sur ce drame.
Le tour de parole terminé, le cortège s’élance en direction de l’ambassade des États-Unis. En quelques minutes, celui-ci est stoppé par les forces de l’ordre. « Nous n’avons rien contre vous en tant qu’êtres humains. Mais vous êtes au service d’un état négrophobe », lance le speaker en direction des CRS. La place étant bouclée, les manifestants défilent tant bien que mal autour de la fontaine des Innocents en scandant en cœur « Black Lives Matter » et « Justice pour Adama ». En dépit de quelques échanges musclés et une bousculade, aucune violence n’est constatée. « Discipline mes frères », prévient le speaker.
« Le nègre vous emmerde »
18h, les manifestants se dispersent. Quelques organisateurs restent présents pour échanger avec les passants. Pas sûr que cela suffise à calmer les tensions. Le soir même, des affrontements se poursuivent à Beaumont-sur-Oise. Pour autant, les participants de Black Lives Matter France insistent sur la non-violence de leurs motivations. Quant à ceux qui souhaiteraient s’attaquer au mouvement, un organisateur prévient : « Certains diront peut-être que nous sommes racistes. Je leur répondrais en citant Aimé Césaire : ‘N’allez pas le répéter, mais le nègre vous emmerde’.«