Le retour de Richard Ashcroft, ancien leader de The Verve, désormais aux commandes d’un groupe à la prétention et à la vacuité effarantes. Critique et écoute intégrale.
La conscience professionnelle met parfois en péril notre instrument de travail : les oreilles. On ne parle même pas ici de la patience : maltraitée, humiliée. Il existe beaucoup de choses que l’on préférerait faire plutôt que d’écouter le premier album de RPA & The United Nations Of Sound (RPA pour Richard Prétentieux Ashcroft ? Richard Péteux Ashcroft ?), nom dont l’emphase et la vanité en disent long sur le ridicule de l’entreprise.
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Parmi ces choses : se planter des fourchettes rouillées dans les yeux ; regarder Jean-Pierre Pernaut disséquer son cul en direct sur TF1 ; écouter l’intégrale de Big Country puis de Muse en tapant du pied, en trouvant ça bien et en mangeant un burger d’écureuil crevé d’un cancer (et trouver ça bon).
On est à peine surpris de retrouver derrière ce gloubi-boulga antipathique au possible la voix de Richard Ashcroft : déjà, avec The Verve, puis très nettement en solo, il avait fréquenté la périphérie puis le centreville du précieux ridicule, du pédant effarant, de l’arrogance couillonne. Là, il s’installe carrément dans la caserne des pompiers, qu’il transforme en palais de stuc et de crotte avec un groupe assemblé sur casting à la grande kermesse des forts en thèmes.
Producteurs hip-hop clinquants, arrangeurs de cordes ramenards, musicos r’n’b à guitares sans tête et catogans de ploucards eighties, ils rivalisent tous de génie et d’inventivité pour se hisser au niveau abyssal de grandiloquence et de ridicule des paroles : philosophie de bac à sable, mysticisme de Pokémon. “Life can be so beautiful”… Merci, Richard, mon ami, de m’avoir ainsi ouvert les yeux.
On connaissait déjà, chez Ashcroft, Blanc sec du Nord anglais, cette façon embarrassante pour sa famille de se la péter avec une classe américaine achetée en solde dans un Walmart du Tennessee : chapeau de cow-boy de pacotille Disney, faux accent rural à 25 cents, références soul et rock’n’roll collectionnées comme des bibelots de Lourdes. Là, pire que Johnny, il se fait le trip US avec toutes les options, et en revient avec un album tellement boursouflé et bouffi à l’ego pur que l’étiquette “stadium rock” paraît soudain bien humble, bien tendre pour ce pensum nullard.
Car le pire, c’est qu’en embauchant des musiciens de session américains aux CV longs comme cet interminable péplum, Ashcroft – extraordinaire naïf ou champion du monde de la fatuité catégorie poids lourd – doit être certain d’avoir signé son Sticky Fingers, son Blonde on Blonde, son What’s Going on. Il signe au mieux le genre de ballades répugnantes, épiques et toc, rallongées à la pisse, qui font le malheur de la musique lors des concours d’amygdales avariées de la télé-réalité. On rigolera une dernière fois en l’entendant bramer “The universal language/This is music” (merci encore, Richard, de m’avoir ouvert les oreilles). Avant, avec soulagement et délectation, d’avoir enfin le droit d’aller se planter des fourchettes rouillées dans les yeux – et les oreilles, par pitié.
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