Immense groupe de scène, !!! a trouvé à Berlin
la formule pour condenser sur
disque son mélange explosif
de disco, d’electro et de rock :
le format pop. On va pouvoir
pogoter dans nos foyers !
Nic Offer est, en interview, un garçon calme. Nic Offer, chanteur et leader de !!!, est, sur scène, le garçon qui débarque en short d’athlé échancré par une méga gaule. Ou vomit sur un public hilare son ecsta fraîchement gobé. Et danse comme un chimpanzé maboule, menant sa troupe et le public vers des sommets d’hédonisme remuant.
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!!! est, on l’affirme bien haut, le meilleur groupe de scène des dix dernières années. Au moins. Sur disque aussi, c’est très bien. Mais jusqu’ici, pas tout à fait aussi bien. Forcément : sans la bonne humeur des sueurs torrentielles, sans les petits pogos entre amis, sans la vision ahurissante de cette implacable mécanique à danser dans la jouissance béate, le mélange de Chic et de Sonic Youth excite un poil moins.
Les précédents disques du groupe, Louden up Now en 2004 ou Myth Takes en 2007, furent de formidables albums. Mais ils essayaient d’en coller autant sur plastique que sur scène, soit un peu too much : des jams infinis, des morceaux qui ne savent pas par où commencer ou comment s’arrêter, des titres sans une once d’économie. Des albums qui ne semblaient être qu’un entraînement mental aux concerts dingos de la troupe.
Heureusement, !!! est une troupe à géométrie très variable. Entre Myth Takes et Strange Weather, Isn’t It?, beaucoup de choses ont changé pour les Américains. Des départs. Celui de l’asperge John Pugh, co-pivot du groupe avec Offer, barré en pleine tournée, apparemment dans la rancoeur. Ou celui, beaucoup plus triste, pour d’autres cieux, du malheureux Jerry Fuchs. De quoi donner des envies d’aller voir ailleurs.
Ce sera Berlin. C’est historique : Berlin a pour les musiciens anglais ou américains l’exotisme du Vanuatu pour le commun des mortels. Le meilleur moyen de paumer le nord ou d’être à l’ouest. Pas de surprise, donc, quand on apprend que !!! est allé enregistrer Strange Weather, Isn’t It? dans la capitale allemande. “On avait déjà bossé sur pas mal de choses en Californie, mais nous savions que nous faisions notre propre “Berlin album”, avec tout ce que ça peut sous-entendre en termes d’esprit. Evidemment, hors de question pour nous d’enregistrer quelque chose comme Heroes ou Low de Bowie : ça n’aurait eu aucun sens. Mais ce que ces albums cherchaient était la nouveauté. Et ils l’ont trouvée. Il y a une romance de la nuit, à Berlin, que nous avons totalement embrassée. Notamment la culture du clubbing, qui y est vraiment incroyable.”
Détail piquant : si Offer explique s’être surtout déhanché les neurones dans des clubs techno de la ville, c’est dans la cave d’un rade rock que le groupe s’est installé. Pile-poil dans son esprit originel : deux univers en collision. Pour expliquer ce changement, cette rotation des influences, Offer dit : “Le contenu de mon iPod change intégralement tous les ans… Et là, il a décidé de se frotter d’un peu plus près à des formats plus pop.” Brian Eno, qui fut si fondamental auprès du Bowie berlinois, est ainsi présenté comme un guide spirituel pour Strange Weather, Isn’t It?
“Je crois que nous avions besoin d’aller dans cette direction. Je me souviens d’un ami à qui je faisais écouter des morceaux et qui trouvait qu’on faisait trop les malins avec nos jams sans fin, que les morceaux n’allaient nulle part. Sur le coup, je me suis senti vraiment vexé. Puis j’y ai réfléchi. Les morceaux sont plus compacts parce que c’est ce qui devient le plus intéressant, naturellement, avec les années. La pop se concentre le plus clairement sur la manière de créer une mécanique parfaite pour une chanson : c’est ce qu’on a voulu faire.”
Et c’est réussi, absolument réussi : sans quitter le territoire entre disco, electro et rock 100 % sexuel du groupe, Strange Weather, Isn’t It? concentre toute la puissance du groupe dans des tubes bien plus carrés, bien moins foutraques que leurs aïeuls. Aucun ne dépasse les cinq minutes et des poussières : plus de débord, moins de gras, tout en suspensions nucléaires, un pointillisme sonore plus poussé encore.
L’ouverture AM/FM, la très disco Wannagain Wannagain, la super excitante Steady as the Sidewalk Cracks, sensualisée par la voix de Shannon Funchess, remplaçante de John Pugh, la torride et minimale Hollow ou le bouquet final sous TNT The Hammer : les montées sont plus franches et les explosions formidables d’efficacité et d’immédiateté. Plus de peine à jouir dans la chaîne hi-fi : les orgasmes sont toujours aussi réguliers, ils viennent simplement beaucoup plus rapidement.
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