Les garagistes vicieux de l’Ohio tentent de séduire la pop : trop
pimbêche pour des mecs de cette classe.
Qu’il s’enregistre dans une usine désaffectée ou qu’il réunisse sur le récent projet Blakroc les rappers RZA, Q-Tip ou Raekwon, le duo Black Keys, formé par Dan Auerbach et Patrick Carney, conserve en toutes circonstances l’aura maléfique de son blues analogique rouillé. Illustration encore avec ce sixième album qui trimballe ses incantations noircies sur des territoires nettement plus pop, s’invente refrains élastiques et vocalises sexy, mais laisse stagner au fond du puits ce magma puant de basses graisseuses et de batteries brisées.
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L’architecture primaire de Brothers s’allume ainsi d’éclairs lumineux qui font se mouvoir la boue à une allure lente, presque langoureuse, entre le céleste et le lourd. Ambiances dépouillées, appels-réponses batterie-voix, la sécheresse est partout, mais partout la boue se craquelle. Entre les guitares souillées s’insinuent les beautés spectrales de Too Afraid to Love You, les riffs excitants de Tighten Up, fruit de retrouvailles avec la souris pop Danger Mouse, ou le quasi sexuel The Only One.
Avec ses histoires d’amour acides et ses efforts brouillons de mélodies, Brothers possède ainsi de beaux atouts pour déniaiser le mainstream et élargir un public encore confidentiel, même si cette bataille blues cosmique entre des synthétiseurs radieux et les riffs éreintés qui les ramonent demeure un peu cabossée pour être vraiment pop.
A l’image de l’excellent clip de Next Girl – où des filles alanguies au bord d’une piscine n’ont pour les draguer qu’un pauvre dinosaure en plastoc –, le duo de l’Ohio trimballe cette attitude d’antihéros frappés par une grâce toute débraillée, à l’instar d’un Primus ou d’un Jon Spencer, toujours terriblement bons mais irrésistiblement à côté du vélo. Jamais dans la tendance, mais toujours dans la bonne direction.
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