Qui porte le pantalon dans ce
couple sensass’ : la belle ou la bête ? Critique et écoute intégrale.
La rock, goinfre de fantasmes, a toujours aimé ces couples maudits : une beauté éthérée et un marlou cabossé, de Gainsbourg/Birkin à Hazlewood/ Sinatra. Le mythe vire à la caricature avec la douce et feutrée Isobel Campbell, élevée au couvent des oiseaux de Belle And Sebastian, et Mark Lanegan, le dur à cuire, le dur en cuir, tatoué, défoncé et destroyé dans les tripots les plus glauques du rock américain.
La belle et la bête : la bibliothèque rose martyrisée par la littérature trash. Depuis trois albums, ils forment pourtant un des couples les plus étonnants, solides et attachants de toutes les alliances transatlantiques. Idéale en fausse ingénue, en poupée de son, l’Ecossaise n’est pourtant pas l’innocente malmenée par le rude cow-boy affaissé que l’on pourrait imaginer : c’est elle qui, ici, a composé les chansons, produit l’album, dirigé le rescapé miraculeux du grunge et d’une vie de bâton de chaise.
On l’imaginait dominée par cette voix mâle (en point), par la mélancolie collante comme boue de son partenaire, par son écriture éraflée ; c’est bien elle qui porte le pantalon. Et il marche à la baguette, le lascar amoché, chantant divinement de sa voix triste et traînante les plages (mazoutées) que lui laisse sa pygmalion (curieux comme ce mot n’existe qu’au masculin macho – pygmalionne ?).
Du coup, elle peut l’écarter pendant deux chansons et le remplacer par un autre surdoué du folk américain : Willy Mason. Mais sa voix, plus lisse, moins amochée, fait passer l’album du moonshine à la limonade light : c’est justement dans le frotti-frotta affolant entre ces voix opposées et archisensuelles, entre la bure et la dentelle, entre la barbe de huit jours et la peau de bébé, qu’Hawk reste le plus diaboliquement séduisant, le plus lynchien.