L’arène médiatique ranime les pulsions agressives de débatteurs toujours prêts à en découdre.
Sur le plateau de Frédéric Taddéï, Alain Finkielkraut s’agite, alors même que rien n’a encore été dit : le programme du soir – “La France ne va pas bien ? Pourquoi ?” – porte la promesse du clash ; la seule présence d’Emmanuel Todd en face de lui semble le transporter dans une transe contrariée, comme s’il avait envie d’en découdre, comme si l’impossibilité de faire du plateau un ring l’obligeait à ronger son frein, à crisper son visage colérique, à contenir ses mains perdues dans le vide d’un monde qui lui échappe et qu’il voudrait ramener à sa raison.
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Le débat d’idées est un sport de combat sans que l’élégance de l’affrontement y trouve sa place : obligé de crier contre les autres, contre tout et rien, contre les vices démocratiques dont il croit connaître les antidotes, Finkielkraut souffre, tel un homme égaré. Le spectacle qu’il offre de sa propre désolation le rend presque attachant, par-delà le pur délire réactionnaire qu’il déploie. Trois jours plus tard, Jean-Luc Mélenchon, invité de Patrick Cohen sur France Inter, livre dans un geste symétrique, à front (de gauche) renversé, un même combat acharné : à peine l’animateur prend la parole, on l’entend fulminer, comme s’il était venu rendre des coups au système médiatique qu’il honnit plus que tout.
Cet effet de présence fait écho à l’agitation de Finkielkraut : l’espace médiatique abrite les corps et les voix déchaînés ; mieux, il les attise, les surexcite, réanime leurs pulsions agressives. L’arène des médias dépasse le cadre de la scène d’un spectacle dont les joueurs maîtriseraient les règles debordiennes : elle est devenue un purgatoire, où l’on brûle, où l’on se consume, où l’on hurle ce qu’on est et ce qu’on hait.
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