Du 7 au 9 juillet se tenait à Lisbonne la dixième édition du festival NOS ALIVE, qui aura gratifié un public venu des quatre coins de l’Europe, et particulièrement de Grande-Bretagne, d’un line-up défiant la loi universelle de gravitation. Du concert sidérant de Radiohead à celui de Robert Plant, en passant par Jagwar Ma, nous avons pris des dizaines de claques par jour. L’occasion de parler avec quelques artistes, dont Courtney Barnett et Foals. On y était, on vous raconte.
Mercredi 6 juillet, Lisbonne. On débarque dans la capitale Portugaise à la faveur d’une demi-finale de l’Euro 2016 de football opposant l’équipe nationale du Portugal au Pays de Galles. Et comme pour mieux nous plonger dans la torpeur de la compétition, le taxi qui doit nous conduire de l’aéroport à l’hôtel, passera devant le stade José Alvalade et le stade de la Luz, arènes des deux clubs rivaux de Lisbonne : le Sporting Clube de Portugal et le Benfica Lisbonne. Situées d’un côté et de l’autre de l’Avenue du Général Norton de Matos, l’une des plus grosses artères de la ville, longée par des immeubles aux façades constellées de climatiseurs typiques des paysages du sud de l’Europe, les deux enceintes semblent se provoquer en duel.
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Le festival ne commençant que le lendemain, on bénéficie donc de ce temps libre pour assister à la victoire des hommes de Cristiano Ronaldo dans le contexte bouillonnant de la vie nocturne de la capitale Portugaise, et saisir l’occasion de retrouver Jimmy Smith et Kit Monteith (ex-Trophy Wife), respectivement guitariste et deuxième clavier de Foals, dans les hauteurs du Bairro Alto. Les membres du groupe ont eux aussi débarqué plus tôt, histoire de se payer quelques sessions de surf du côté de Cascais, à l’ouest de Lisbonne. L’un des spots les plus prisés du pays.
Sans trop pousser dans cette direction, les conversations tourneront néanmoins très vite autour du Brexit et de la fracture entre le Nord prolo et le Sud bourgeois de l’Angleterre. « Nous venons d’Oxford et le clivage entre le nord et le sud du pays est une réalité. C’est très marqué politiquement et c’est aussi très marqué dans la musique« , lâchera Kit. On l’aura compris, la menace de la futur sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne sera de toutes les conversations durant ces trois jours de festival. Lors du concert de Foals, Jack Bevan, batteur du groupe, portera même un t-shirt floqué d’un « I don’t want to break up with EU« , sous forme de cris de S.O.S désespéré.
Pourtant, musicalement, c’est bien le sud dans toute sa diversité qui remportera la mise ce week-end.
Photo Renaud Monfourny
Une scène locale mise à l’honneur
Le Brexit, la formation Lisboète de Ganso s’en moque bien. Issus de la scène rock locale, ces sales kids au look de slacker Californiens, citant dans leur style vestimentaire à la fois les Allah-Las et Mac Demarco, sont symptomatiques de la volonté du festival Nos Alive de programmer des têtes d’affiche internationales et des groupes du cru. Le quintette balancera un set garage-surf avec une attitude punk jouissive, tandis que, deux jours plus tard, sur la même scène recluse à l’extrémité du site, Galgo, un autre groupe du coin composé de vingtenaires insouciants, livrait le même type de prestation, beaucoup plus marquée par des influences post-punk et de rythmes Africaines certes, mais toujours portée par la même insolence juvénile.
Galgo / Photo Renaud Monfourny
Si ces groupes ont la particularité de chanter dans leur langue maternelle, ils n’en demeurent pas moins tournés vers l’international.
« Ces formations représentent le renouveau des scènes musicales portugaises. Ils sont à la fois inspirés par la scène psyché californienne, mais aussi par tous les styles musicaux indés et underground de ces dernières années« , explique Pedro Azevedo, manager du groupe Galgo.
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Signée sur Blitz Records, label du magazine de rock Portugais Blitz, et distribué par Sony Music, la jeune formation de Oeiras, en banlieue de Lisbonne, vient confirmer ce que nous venions déjà vous dire il y a deux ans sur l’effervescence de la scène rock Lusitanienne.
Une scène indé internationale bien représentée
L’Indie game se jouait quant à lui du côté de la scène Heineken, où près d’une trentaine d’artistes, dont Grimes, Hot Chip, Father John Misty ou José Gonzalez, se sont succédés tout au long du festival. Installée à l’ombre des parasols de la zone artistes, l’Australienne Courtney Barnett, qui livrera quelques heures plus tard, sur cette même scène, une performance rappelant les grandes heures de la scène grunge de Seattle, nous confie être particulièrement excitée à l’idée de jouer à Lisbonne. « Je n’ai encore jamais joué au Portugal, c’est la première fois pour moi. »
Courtney Barnett / Photo Renaud Monfourny
Programmé le créneau horaire avant, Jagwar Ma, signé, tout comme la chanteuse Australienne, sur le label basé à Londres Marathon Artists, a ravivé la flamme de leurs débuts à la Flèche d’or, en septembre 2013, avec un set bouillant et une poignée de nouveaux titres prometteurs, plaçant ainsi l’arrivée imminente de leur deuxième album dans le top 3 des sorties de disque les plus attendues de l’année. On aura d’ailleurs l’occasion de les revoir en France en novembre prochain, dans le cadre du festival des Inrocks.
Jagwar Ma / Photo Renaud Monfourny
Mentions spéciales sur cette scène pour le cameo de Richard Parry aux côté des Montréalais de Little Scream, quatre heures avant son concert au sein de sa formation d’origine Arcade Fire. Et les trompettes de mariachi de Calexico.
Little Scream / Photo Renaud Monfourny
Robert Plant and the Sensational Space Shifters : première claque du week-end
Sur les dix têtes d’affiche que l’on est en droit d’attendre en 2016 dans un festival d’envergure internationale, NOS Alive à choisi de ne pas choisir. Exception faite de LCD Soundsystem, dont l’absence devait être comblée par la présence d’Arcade Fire le samedi soir, il ne manquait pas beaucoup de groupes à l’appel. Si la bande de Win Butler n’avait rien de neuf à présenter au public, à part la reprise de quelques lignes du God Save The Queen des Pistols, le moins que l’on puisse dire, c’est que les Canadiens ont remporté l’adhésion du public, avec une setlist best-of et un show reprenant les jeux de miroir de la tournée précédente.
Néanmoins, la première claque du week-end nous avait été donnée le premier jour du festival par le doyen de cette édition 2016 : Robert Plant. Accompagné sur scène par les Sensational Space Shifters, dont le guitariste barbu façon ZZ Top Liam Tyson et le sidérant de maitrise Justin Adams, Plant convoquera à la fois les fantômes du blues du Delta et ceux de Led Zep, avec une reprise à pleurer de Baby, I’m Gonna Leave You et une version tellurique (pour une fois, l’usage de l’adjectif n’est pas galvaudé) de Whole Lotta Love. Les Pixies de Franck Black, programmés à la suite, feront pâles figures à côté.
Radiohead : la claque ultime
Jeudi soir, contrairement aux Australiens de Tame Impala calés juste avant Radiohead, Foals et les Londoniens de Years & Years jouaient suffisamment tôt pour ne pas subir la pression de devoir précéder le groupe le plus attendu de cette édition. La bande menée par un Kevin Parker cheveux au vent, arrivera pourtant à mobiliser un public particulièrement euphorique, provoquant même des retraits de soutiens-gorge intempestifs filmés en direct sur écrans géants, à chaque fois que la caméra posait son objectif sur une fille à cheval sur les épaules d’un garçon.
Radiohead / Photo Renaud Monfourny
A l’issu du concert, une masse impressionnante, à majorité composée de jeunes et de moins jeunes venus d’outre-Manche, formait devant la scène une foule compacte. Jamais plus aucun groupe ne sera capable de susciter autant l’attente du public, pas même l’improbable reformation d’Oasis : pendant plus de deux heures, Radiohead se livrera à un récital d’une beauté saisissante et d’une justesse à couper le souffle, sans jamais succomber à la tentation que peuvent avoir certains de se reposer sur un répertoire déjà trop connu. A Moon Shaped Pool, le dernier album du groupe, sera, à titre d’exemple, quasiment cité dans son intégralité.
Bien plus que les très attendues Creep et Karma Police, qui clôtureront le set, mais dont on savait déjà qu’elles étaient jouées régulièrement depuis le début de la tournée, c’est le silence de cathédrale qui régnait sur le festival dès les premières notes de piano de Daydreaming qui nous restera longtemps en tête.
Un peu comme les couchers de soleil Californiens des soirs d’été sur la côte Lisboète.
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