Krzysztof Warlikowski saisit avec la plus sensible des justesses le tourment désespéré de savoir sa jeunesse envolée et Haendel brille alors en astre noir sous la direction d’Emmanuelle Haïm.
Cadrant le gradin d’une salle vide à l’image d’une société du spectacle qui n’a plus rien à proposer, Krzysztof Warlikowski use du cinéma pour nous faire pénétrer dans une boîte de nuit… son ailleurs de tous les possibles, son antre des désirs.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Haut couloir de verre découpant en deux le plateau, l’entrée de ce palais des illusions s’enfonce dans les mystères d’un hors-champ labyrinthique. C’est là, que le metteur en scène rassemble les représentants de cette jeunesse à qui le propos d’Il Trionfo del Tempo e del Disinganno est destiné…
L’éphémère des valeurs de la jeunesse
Eux s’en moquent et s’abandonnent à jouir de l’instant en gobant à même la bouche de l’autre des pilules extatiques. Reste à savoir que faire de ce débat ouvert par Haendel à l’âge de 22 ans quand il compose en 1707 cet oratorio où l’on s’interroge sur l’éphémère des valeurs de la jeunesse, La Beauté et Le Plaisir, en les confrontant à celles qui les menacent, Le Temps et La Désillusion.
Pas de personnages donc… Juste des allégories incarnées à l’avant-scène par quatre interprètes magnifiques qui transforment cette soirée en un pur parcours d’émotion. De la direction experte d’Emmanuelle Haïm aux deux couples antagonistes que forment Sabine Devieilhe (Bellezza) et Franco Fagioli (Piacere) dans la controverse qui les oppose à Sara Mingardo (Disinganno) et Michael Spyres (Tempo), tous méritent des éloges.
Reste le moment de grâce absolu que nous offre Sabine Devieilhe avec cette vision suicidaire et finale de La Beauté qui succombe. Son visage de sainte en larmes s’accordant à l’inoubliable de son chant en font la plus idéale des icônes no future.
Il Trionfo del Tempo e del Disinganno, oratorio de Haendel, direction musicale Emmanuelle Haïm, mise en scène Krzysztof Warlikowski. Avec Sabine Devieilhe, Franco Fagioli, Sara Mingardo, Michael Spyres. Festival d’Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché jusqu’au14 juillet, en italien surtitré en français et en anglais.
{"type":"Banniere-Basse"}