Le feuilleton aura duré deux ans et demi : le temps pour que le troisième album de Fiona Apple bénéficie enfin d’une sortie officielle. Pour ceux qui auraient loupé les principaux épisodes, rappelons que, dès mai 2003, le petit prodige américain ? épaulé une fois encore par Jon Brion, producteur, arrangeur et multi-instrumentiste aux mains […]
Le feuilleton aura duré deux ans et demi : le temps pour que le troisième album de Fiona Apple bénéficie enfin d’une sortie officielle. Pour ceux qui auraient loupé les principaux épisodes, rappelons que, dès mai 2003, le petit prodige américain ? épaulé une fois encore par Jon Brion, producteur, arrangeur et multi-instrumentiste aux mains d’or ? avait mis un point final au successeur des multiplatinés Tidal (1996) et When the Pawn’ (1999).
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Désavouée par son label, qui refusa de s’engager sur un projet musical jugé trop aventureux, la belle, elle-même gangrenée par le doute, entreprit alors de réenregistrer l’intégralité des chansons. Gentiment poussé vers la sortie, Brion laissa alors la place au producteur et musicien Mike Elizondo, connu pour ses états de service auprès des grandes gueules du rap US (Dr. Dre, Eminem ou 50 Cent).
Au même moment, la première mouture d’Extraordinary Machine commença à circuler sur le Net. Enchantés par le résultat, les admirateurs de l’Américaine se mirent à gamberger : en jetant à la corbeille une si brillante copie, Apple n’avait-elle pas commis une énorme bourde ? Si l’on en juge par les débats acharnés qui nourrissent aujourd’hui encore quelques forums de discussion, cette question n’est pas près d’être tranchée.
Seules rescapées de la première session d’enregistrement, Extraordinary Machine et Waltz, qui ouvrent et referment la version définitive de l’album, raviront les partisans de Brion : Apple n’a jamais semblé aussi libre que dans ces orchestrations finement tendues, tiraillées entre pop symphonique et musique de cabaret. Sur les dix autres titres, Elizondo joue une partition assez différente : Apple attendait visiblement qu’il soit un dépanneur de luxe, mi-mécanicien mi-carrossier, capable de redresser ses ailes froissées, de faire vrombir à nouveau son moteur et de l’extirper du désarroi dans lequel elle s’était embourbée.
Sur cette base, Extraordinary Machine est donc un album qui, par ses choix de production, cherche le plus souvent l’efficacité maximum ? et qui la trouve. Sinon quelques passages un peu clinquants, cette machine à fabriquer des tubes et à enfiler des perles mérite bien qu’on la qualifie d’ extraordinaire . D’autant que la plume, la voix et le jeu de piano d’Apple ne sont jamais sacrifiés sur l’autel de la rentabilité.
Toujours douée pour trousser des mélodies à la fois racées et populaires, qui sont autant de supports idéaux pour ses chansons d’amour à l’huile de ricin, l’Américaine s’exprime avec une sorte de hargne retenue qui la préserve de tout sentimentalisme. La façon dont elle fouaille son piano pour en maltraiter la carcasse d’ivoire, en faire claquer les marteaux et tinter les cordes, achève de la placer dans un registre d’expression plus proche du lyrisme incandescent d’une PJ Harvey que des aimables broderies d’une Norah Jones. C’est dire si, en dépit des turbulences traversées, la détermination et l’exigence de Fiona Apple n’ont pas baissé d’un cran.
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