Mythe vivant du rock alternatif américain et découvreur increvable de talents, Michael Gira reforme ses Swans pour un album brutal et bouillant.
Eteints depuis le milieu des années 90, les Swans, groupe mythique du rock lourd des années 80, avaient laissé place aux autres projets du leader, Michael Gira, dont on aime particulièrement les albums solo et le bon goût musical : c’est sur son label, Young Gods, qu’on avait pour la première fois entendu les complaintes revêches et abruptes de Devendra Banhart.
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Ce Swans version 2010 est de haute volée, si puissant, tellurique que l’on a du mal à lui trouver des concurrents directs capables de se mesurer, cette année, à sa grande forme épique, son raz-de-marée cosmique. Tout y est brutal, à l’image de son morceau d’ouverture, mélopée rugueuse de neuf minutes, martyrisant des riffs presque monochromes, portée par la voix de Gira, qui, en vieillissant, n’a rien trouvé de mieux que de se patiner d’une touche vaguement métallique, légèrement acide.
Neuf minutes, donc, comme données du fond d’une fonderie d’airain et qui ouvrent la voie d’un album tout en (a)pesanteur et en répétitions viscérales, abandonnant parfois sa violence tendue pour une poignée de morceaux lents qui évoquent davantage le crime que la berceuse. Les Swans jouent comme s’ils étaient en pleine rixe organisée : on entend là le jeu puissant d’un groupe qui forme d’abord une bande. Une bande organisée et violente dont, souvenons-nous, l’un des moments de gloire passée était une reprise controversée du Love Will Tear Us apart de Joy Division.
Et c’est bien sous le signe des fantômes de ce dernier groupe qu’il faut écouter ce nouveau Swans. Car, à l’heure où tant d’artistes sonnent étrangement comme Joy Division et son chanteur disparu, les Swans sont sans doute les seuls à en ressusciter la vraie violence intime, sans jamais céder au pastiche. Une violence que ces quinquagénaires balancent à la face du monde au travers d’un disque qui brûle comme un seau de chaux vive. Leur vieillesse est plus sonique que bien des jeunesses.
Jean Chazot
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