37 ministres et un inventaire à la Prévert. Deux bateaux, trois vélos, 40 voitures et pas des plus jeunes, 29 apparts et pas des plus moches, on sait désormais tout sur la vie de nos ministres, leurs intérieurs, leurs collections photos, leurs livrets cerise, leurs découverts parfois aussi douillets que les nôtres. Autant dire que ça a créé une petite révolution. De quoi susciter chez nos politique, crise d’urticaire pour les uns, résignation pour les autre. Mais rarement de l’enthousiasme.
« Les volontaires »
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Un élu municipal de Montbéliard (Doubs), Philippe Duvernoy, s’est affiché ce mardi, nu, dans l’Est républicain, avec seulement quelques billets en guise de feuille de vigne pour cacher selon lui « l’essentiel », et ainsi tourner en dérision la publication du patrimoine des ministres. Cet élu sans étiquette – mais dans l’opposition –, assujetti à l’ISF, et qui avait déjà volontairement révélé son patrimoine à la presse en 2008 estime que ce « grand déballage » est une « mauvaise idée », « qui n’empêchera pas les tricheurs de tricher ». D’où l’idée de se mettre à poil, puisque telle est la consigne, dit-il.
Puisque le gouvernement « demande aux élus de se mettre à poil, je me mets à poil en cachant l’essentiel, comme le permet en général la déclaration de patrimoine ». À ce stade, l’obligation concerne uniquement les ministres, la loi n’ayant pas été encore votée. Pascal Canfin, un des deux ministres d’Europe Ecologie les Verts, s’y est donc collé… Lundi soir, sur RTL, il a fait part de son soulagement. « Je me sentais sali par l’affaire Cahuzac, je me sens propre aujourd’hui », a-t-il carrément lâché. Pour Thierry Mandon, porte-parole gu groupe PS à l’Assemblée, tout ceci n’est qu’une question de temps pour que ça rentre dans les us et coutumes. Selon lui, la publication des déclarations des patrimoines des ministres « apparaîtra demain naturelle » et « comme un gage de probité ».
Les « résignés »
On y trouve les ministres forcément, ils n’ont pas trop eu le choix sur ce coup là. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture monte donc au créneau pour faire le service après-vente.
« C’était une étape nécessaire, mais pas suffisante, il faut poursuivre. Il va y avoir la Haute autorité qui fera les contrôles, la lutte contre fraude fiscale qui continuera et encore un effort à faire sur la question des conflits d’intérêts », explique-t-il.
Le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, s’y est aussi collé. Et devant les télé, svp ! Autour d’un café. « C’est un exercice original, auquel j’ai l’obligation de me soumettre. Qu’auriez-vous pensé si je ne l’avais pas fait ? Mais il est temps que tout cela se termine », a-t-il enchaîné. Tiens, tiens.
Les « pas pour mais pas contre non plus »
L’ex-ministre du Logement et aujourd’hui député UMP de la Marne, Benoist Apparu a expliqué dans les couloirs de l’Assemblée que, pour lui, la déclaration publique du patrimoine lui paraissait être « une erreur ». Tout en modulant sa réponse. Selon lui, le procédé n’est « pas forcément inintéressant en tant que tel », mais il le désapprouve « en période de crise, sous l’émotion collective ». Et d’ajouter : « Il y a un piège politique ». Si vous dites que « vous êtes contre, c’est que vous voulez cacher des choses », qualifiant la mesure de « pernicieuse et quelque part malsaine ».
Les « pas contents »
Sur LCI, l’ancien ministre Christian Jacob – aujourd’hui président du groupe UMP à l’Assemblée nationale – a bien répété qu’il n’irait « ni aujourd’hui, ni demain », regarder ces inventaires détaillés. « Je trouve que c’est clairement malsain », et « qu’on a autre chose à faire dans la situation où nous sommes ». Même état d’esprit pour Camille Bedin, secrétaire générale adjointe de l’UMP :
« Voici nos ministres engagés dans la course du moins riche que moi tu meurs ! » Et d’ajouter : « Salauds de riches semble être devenu le slogan du gouvernement. Il ne devrait pas y avoir de honte à être riche en France ! Tout ce que ces déclarations et cet étalage produisent, c’est du dégoût. Ils alimentent les pires caricatures ».
Les « réfractaires »
On ne les trouve pas qu’à droite, mais aussi largement dans la majorité présidentielle. Le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, est en train de se transformer en porte-voix des « anti-excès de transparence », en déclarant tout de go dans Libération : « la démocratie paparazzi, ce n’est pas mon truc ». Pour lui, de toute façon, il n’y à « rien à gagner » : « cet affichage ne permet pas de démasquer les fraudeur, et cet exhibitionnisme n’éteint pas les doutes des citoyens ». À ses yeux, au contraire, cela risque de « renforcer l’antiparlementarisme » car « cela crée une ambiance », « un climat de suspicion ». C’est clair, archi clair : « publier mon patrimoine, ce serai céder à ce syndrome du populisme contre lequel je me bats ». Et manifestement, Claude Bartolone ne se sent pas isolé. « Vu les messages que je reçois, je pense que ma position est majoritaire ». Les parlementaires socialistes ne semblent pas non plus à l’aise avec cette « publication sauvage », a reconnu Bruno Le Roux, le chef de file du groupe PS à l’Assemblée.
Voilà au moins un point qui réunit, en ce moment, PS et UMP. Sur BFM TV, Jean-François Copé, président de l’UMP, s’est clairement indigné contre cette mesure : « ce n’est pas de la transparence, c’est du voyeurisme ! », voyant dans cette disposition, un simple « écran de fumée pour faire oublier l’affaire Cahuzac ». Même son de cloche du côté de l’UDI. Lors de son point presse à l’Assemblée, le porte-parole des députés du parti de centre-droit, Jean-Christophe Lagarde, a poussé un coup de gueule :
« Cette manoeuvre de diversion ne change rien pour la vraie vie des gens et nourrit des dérives voyeuristes, c’est une faute de François Hollande. Est-ce que le chômage se met à reculer ? Est-ce que 10 millions de salariés vont encore être taxés sur leurs heures supplémentaires et les retraités protégés contre la perte de leur pouvoir d’achat ? Est-ce que Florange va redémarrer son activité, est-ce que les Fralib vont voir M. Montebourg respecter sa promesse ? C’est ce qu’on attend des ministres, pas de savoir s’ils ont un kayak, un vélo, une voiture, une maison à la campagne, un appartement à la montagne ».
Reste qu’à ce stade, si les politiques de tous bords sont gênés par cette transparence imposée par l’Elysée, les Français eux sont plutôt favorables à la mesure. Selon un récent sondage Ifop pour le JDD, six Français sur dix l’estiment nécessaire…
{"type":"Banniere-Basse"}