Le street-artist Goin a déclenché une vive polémique en réalisant une fresque représentant une Marianne matraquée par deux policiers – dont un muni d’un bouclier « 49.3 » – à Grenoble. Il s’en explique.
Sur Facebook, le street-artist anonyme Goin s’est fait sarcastique ce 27 juin, estimant que Bernard Cazeneuve était son « nouvel agent artistique ». Celui-ci est en effet monté au créneau ce week-end suite à l’inauguration de sa fresque murale à Grenoble dans le cadre du Street Art Fest. Sa représentation d’une Marianne matraquée par deux policiers n’a pas été du goût du ministre de l’Intérieur, qui demande à Eric Piolle, le maire écologiste de la ville, de présenter « ses regrets » aux policiers. Geneviève Fioraso, ancienne ministre socialiste de l’Education nationale, demande même qu’elle soit effacée, de concert avec le syndicat SGP-Police FO. Il répond aux accusations.
Votre fresque L’Etat matraquant la liberté a suscité de nombreuses réactions hostiles de la part de représentants politiques, Geneviève Fioraso appelant même à « l’effacer ». Comment expliquez-vous la radicalité de ces prises de position ?
Goin – Ces violentes réactions ne m’étonnent qu’à moitié vu l’état de la France en ces temps obscurs. Ce qui me choque le plus c’est la facilité avec laquelle ces politiciens ont oubliés toutes les valeurs de notre belle France. Il y a ici un conflit flagrant de générations. Nous en avons marre de ces politiques moyenâgeux qui nous dirigent. Ils ne voient même plus le désespoir de la population face à leur diktat. Ils ne comprennent rien à l’art, à la vie et à l’amour. Ils ne connaissent que le premier degré et nous éduquent ainsi à éviter toute réflexion profonde. Nous voulons être libres, nous voulons être frères, nous voulons pouvoir choisir autre chose que la marque de notre lave-vaisselle : notre avenir !
Votre œuvre ne comportait au départ pas de titre. Est-ce en voyant la polémique enfler que vous avez souhaité préciser votre idée en l’intitulant L’Etat matraquant la liberté / Liberty Down ?
En effet, dès que j’ai vu que la mayonnaise commençait à mal tourner j’ai voulu apaiser le débat en précisant que ma fresque était une allégorie « Pouvoir VS Liberté » et non « Policier VS République ». La violence de la scène représente bien la brutalité de ce qu’est le 49.3 dans une démocratie. Malheureusement, Il y aura toujours des gens qui préféreront regarder le doigt plutôt que la Lune…
Y a-t-il une scène d’actualité en particulier qui vous a inspiré cette image ?
Evidemment ! Je vois ces images tous les jours dans les médias. Je ne fais que représenter la réalité, avec un petit brin d’anticipation peut-être. C’est facile d’envoyer les policiers faire le sale boulot, mais dans une vraie démocratie, la police ne devrait pas avoir à faire cela. M. Valls nous parle de démocratie sur le référendum pour l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes mais notre démocratie n’est qu’une illusion qu’ils savent très bien manipuler à leur avantage.
Les livres sur lesquels l’allégorie de la Liberté repose dans votre œuvre sont des contre-utopies : 1984 d’Orwell, et Brave New World d’Huxley. Pensez-vous que le monde dans lequel nous vivons se rapproche dangereusement des mondes dépeints dans ces ouvrages ?
Bien sûr que nous nous en rapprochons, et à grands pas de bottes en plus. Le peuple à peur, la France veut se protéger… mais à quel prix ?
Au prix de perdre toute confiance du peuple ? De l’écraser au profit du capitalisme sauvage ? La soumission du pouvoir au totalitarisme marchand est une honte et une preuve de plus qu’ils ne font qu’accepter les règles du jeu qu’on leur donne, alors que c’est eux qui devraient édicter ces règles !
1984 n’est plus très loin si on regarde bien, nous avons déjà un bon pied dedans. Et comme dans ces beaux livres, je ne pense pas que ce soit le gouvernement qui nous sauvera ! Comme le disait Gainsbourg, « Je suis un insoumis qui a redonné à La Marseillaise son sens initial. »
Propos recueillis par Mathieu Dejean