Faux rebelle ou vrai sensible, la pop star pleine de failles aurait-il atteint la phase la plus intéressante de sa carrière? Pour lui souhaiter un bon anniversaire, nous republions ce décryptage paru en 2014. “Je suis vraiment désolé, j’ai juste trouvé que c’était un joli temple”, s’excuse, tout penaud, Justin Bieber après s’être malencontreusement fait prendre […]
Faux rebelle ou vrai sensible, la pop star pleine de failles aurait-il atteint la phase la plus intéressante de sa carrière? Pour lui souhaiter un bon anniversaire, nous republions ce décryptage paru en 2014.
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“Je suis vraiment désolé, j’ai juste trouvé que c’était un joli temple”, s’excuse, tout penaud, Justin Bieber après s’être malencontreusement fait prendre en photo devant un sanctuaire controversé à Tokyo. Une bourde de plus pour celui qui a orné le livre d’or du Musée d’Anne Frank d’un “J’espère qu’elle aurait été une Belieber” (contraction de Believe et Bieber, ou le sobriquet qu’il donne à ses fans).
Inutile de vous rappeler que le mignon file un mauvais coton : découvert à 14 ans sur YouTube avec pour seules armes une mèche lissée et une voix de rossignol, il a mis en émoi de millions de cœurs juvéniles. En l’espace de quelques hit, ce Backstreet Boys all-in-one avait tout raflé : la réjouissante Selena Gomez en guise de petite amie, l’arrivée dans le Top 3 des célébrités les plus puissantes du monde selon Forbes en 2012, une fortune s’élevant à plus de 58 millions de dollars en 2013.
Mais voilà qu’il mue et qu’il glisse : escapade dans un bordel à Rio, course en Lamborghini défoncé jusqu’à la moelle, combats de poings avec ses voisins, une note de 75 000 dollars pour une soirée dans un club de strip-tease. Tant de bêtises pour le canadien de 20 ans (donc encore mineur !), qu’une pétition cherche actuellement à le faire expulser du territoire américain.
Qui est donc ce nouveau mâle, a qui semble destiné le même sort que toutes les autres babystars américaines (Macaulay Culkin, Lindsey Lohan, Miley Cyrus sont d’autres exemples peu reluisants)? Qui se cache derrière cette carapace à la fois rodée et pleines de failles imprévues, à la masculinité ultra codifiée, caricaturale à en faire rire, pleurer et même émouvoir ?
Aujourd’hui, son personnage de loubard d’Hollywood semble à priori calibré au millimètre près : nouvelle coupe, tatouages de prison, bijoux hip-hop, amis rappeurs ou ‘fils de’, (Lil Za, Lil Twist ou Jaden Smith), son quotidien s’est transformé en clip bling-bling géant.
Le pantin d’une industrie
Selon Violaine Schutz, journaliste spécialisée dans la pop culture et musique pour le magazine Be, il s’agit d’un coup de marketing finement monté par sa boite de disque, (tout comme la pseudo-fin de sa carrière annoncée sur ses réseaux sociaux.) “Il est le pantin d’une industrie qui veut qu’il grandisse avec ses fans, pour continuer à vendre” dit-elle, “son attitude trash correspond, comme son nouveau look, à l’époque: no make up, grunge, punk, et comme le normcore, un refus de choses lisses et une préférence pour le trash.”
Pour Fabrice Paineau, rédacteur-en-chef du magazine culturel Double, la transformation de Bieber, qu’il qualifie de “Bambi à Peter Pine”, a une résonance profonde au sein de la culture américaine car elle évoque un parcours biblique : “Innocence-expérience-décadence-résilience.” Chemin vers la raison qu’on verra vite pavé de repenti et de rédemption, qui lui permettra de sortir un disque “avec le bon producteur, les bonnes collaborations, dont Pitchfork chantera les louanges. ”
Simulacre de virilité
Cependant, hormis cette évolution bien huilée, il y a l’autre Justin, l’adulescent paumé qui transparait malgré lui, à travers les maille d’un filet pourtant bien tissé – ce simulacre de virilité, bricolé d’emprunts approximatifs, tantôt James Dean, tantôt R. Kelly.
Et le résultat ? Sans trop l’avoir voulu, le voilà devenu une icône gay. On le compare même souvent à une lesbienne, depuis le blog Lesbians that look like Justin Bieber jusqu’à la chanteuse Dany Shai, son pastiche féminin queer. Car notre cher Justin est touchant par ses poses presque parfaites : quand il porte la mèche façon Leonardo di Caprio, il ressemble plutôt à la chanteuse Katie Sketch du groupe iconique gay The Organ ; quand il cherche à imiter Jay-Z, il rappelle plus la rappeuse britannique Roxxxan, et quand il roule des mécaniques façon Marlon Brando, on pense surtout à KD Lang.
“Une copie qui n’a pas de version originale”
Dans chacune de ses apparences, touchantes d’exubérance et de maladresse, apparaît une sensibilité enfantine enfouie, sorte de sensibilité queer, qui peine à grandir et se formater. Sociologue qui s’ignore, il révèle la facticité de toute identité genrée prédéterminée. Pour citer Judith Butler, il serait “une copie qui n’a pas de version originale”. Autrement dit, il imite un mâle qui n’a jamais existé puisque c’est la webosphere qui l’a construite en miroir.
Alors Justin picole, Justin envoie des sextos, Justin a du mal à investir un moule ultra calibré de ses managers et parents qui profitent de son succès (son père réapparaît après des années d’absence, et ensemble, ils se bourrent la gueule dans un avion et agressent les hôtesses de l’air). Mais malgré lui, ce kidult insolent réclame une nouvelle fluidité autour de la prison genrée et générationnelle. Et ce n’est pas rien.
« On lui souhaite un pétage de plomb, qu’à la façon de Britney qui se rase la tête, il se rase le pubis en live sur Instagram, et soit enfin libéré de toute attente forcené », sourit Fabrice Paineau. Amen.
Alice Pfeiffer
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