La Biennale de Danse sous la houlette de Virgilio Sieni redessine la carte de la Sérénissime.
Entre Campo (place) et théâtre de poche la programmation de cette dixième édition de la Biennale de Danse de Venise a réussi à arrêter quelque peu la marche en avant d’une ville qui vit au rythme des milliers de visiteurs arpentant chaque jour ses dédales. Autant dire une sorte d’exploit.
S’affirmant un peu plus à chaque rendez-vous depuis la nomination du chorégraphe Virgilio Sieni à sa direction artistique, la manifestation joue sa partition sans pour autant disposer des moyens de rivaliser avec ses grandes sœurs de l’art contemporain ou de l’architecture. En témoigne le Collège Danse, une sélection de chorégraphes qui durant deux semaines encadrent un groupe de jeunes danseurs ou d’amateurs. Le résultat peut se révéler passionnant. En témoigne La Procession chorégraphie de Nacera Belaza réunissant 6 solistes et une douzaine de figurantes.
La Procession chorégraphie de Nacera Belaza
Pour pénétrer la salle du Teatrino du Palais Grassi le spectateur doit mettre son pas dans celui des participantes : ce cérémonial à la lenteur calculée débouche sur une série de transes en scène – une fois le public assis. Bien dans la manière de Belaza, même si la qualité du mouvement est encore fragile, La Procession aura transporté dans un autre monde.
La vitalité d’Emanuel Gat
Emanuel Gat, après la première mondiale de Sunny*, réunissait son groupe d’élèves pour Venice dans le cadre de la salle d’armes de l’Arsenale. Traversé par les rayons du soleil couchant cet exercice reprend les principes chers à l’Israélien avec un travail sur la masse dont vont s’extraire des duos à la gestuelle comme enchâssée. Le plaisir partagé de ces jeunes danseurs apportait à l’ensemble un surcroît de vitalité. Il y a chez Gat une capacité intacte à tracer un sillon obstiné tout en déjouant les pièges du déjà-vu : sa danse est en perpétuelle mutation – quoique facilement identifiable.
A contrario certains invités du Collège de Danse proposaient des variations sous influences : on pense aux courses et marches – trop – repérées de Sandy Williams ou de Adriana Borriello dans le sillage d’Anne Teresa De Keersmaeker.
Outre ces workshops illuminant la ville la Biennale de Danse de Venise ose des programmations plus traditionnelles dans des lieux qui le sont moins. Shobana Jeyasingh à la Fondation Cini – sous la protection d’une copie de Véronèse – dévoilait Outlander une création où la danse traditionnelle indienne dialogue avec le contemporain. A suivre. A l’Arsenale Isabelle Schad et son complice Laurent Goldring ont eux mis à mal la patience des observateurs avec Der Bau solo à cru. Nue, jouant avec des tissus dont elle se drape ou avec lesquels elle crée un décor en mouvement Schad rend hommage à Kafka et sa nouvelle éponyme qu’il n’aura pas le temps de finir. Il se dégage de cette étude une vraie force.
Un Lion d’or pour Maguy Marin
Quelques instants plus tard dans une Venise enfin vidée de ses visiteurs c’est le rare Duo d’Eden qui sera donné au Teatro Piccolo de l’Arsenale. Trente ans après sa création à Angers ce duo n’a rien perdu de sa beauté : interprété par Françoise Leick et Marcelo Sepulveda masqués ce corps-à-corps garde l’émotion des premières fois. Durant quinze minutes les danseurs ne se lâchent pas recréant un être hybride féminin et masculin.
On peut trouver ce Duo d’Eden daté – il l’est d’une certaine façon – et intemporel. Un éden pour tout éternité. Maguy Marin en recevant le Lion d’or de la Biennale de Venise pour l’ensemble de sa carrière remercia les « vivants et les morts ». Et de citer Vladimir Jankélévitch : « Si on peut tout dire sans effort on ne peut agir qu’en payant de sa personne ».
Biennale de Danse de Venise jusqu’au 26 juin
*Sunny chorégraphie d’Emanuel Gat au festival Montpellier Danse les 25 et 26 juin