La journaliste et auteure Benoîte Groult est morte lundi 20 juin 2016 à l’âge de 96 ans. De la lutte pour la féminisation de la langue française à la publication de la “Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne” d’Olympe de Gouges, retour sur les thèmes – toujours d’actualité – chers à cette icône féministe.
« Je trouve que le langage est symbolique. C’est très important d’être à l’aise dans les mots, et de se désigner par un féminin.” Ce débat pourrait avoir lieu en 2016, dans une conférence organisée par un collectif féministe ou sur le plateau d’une émission de deuxième partie de soirée. C’est pourtant en 1994 que Benoîte Groult défendait déjà sa vision de la langue française, alors qu’elle était invitée sur le plateau de Français si vous parliez. « Ce n’est pas la langue qui refuse, ce sont les têtes« , continue celle qui, ironie de l’histoire, a hérité de son prénom si particulier car ses parents pensaient attendre un garçon.
Cette année-là, l’auteure féministe vient tout juste de publier Cette mâle assurance, un essai contre la misogynie, très critique de l’oppression des femmes par la société patriarcale:
« Il est à peine croyable que, génération après génération, savant après philosophe, historien après écrivain, homme après homme en somme, la moitié masculine du genre humain se soit acharnée à prouver que l’autre ne valait rien et ne méritait pas d’accéder à la dignité d’être humain », écrit-elle notamment.
« Rien ne changera aussi longtemps que les femmes seront leurs propres ennemies »
« Mes petites-filles ne savent pas que je suis née avec zéro droit. Que j’ai vu tous mes droits arriver un par un, pendant toute ma vie », déclarait-elle à France Culture en 2010. Lundi 20 juin 2016, Benoîte Groult est morte dans son sommeil à l’âge de 96 ans, a annoncé l’AFP. Figure forte qui a marqué l’histoire des combats féministes, elle a pourtant commencé sa carrière d’écrivaine tardivement.
Avant d’écrire trois romans à quatre mains avec sa sœur Flora Groult entre 1958 et 1967, elle était journaliste pour la Radiodiffusion française depuis le milieu des années 1940. Vingt-cinq ans plus tard, elle interviewera François Mitterrand, alors en campagne pour la présidence de la République (« On a toujours dit que la politique c’était l’affaire des hommes, et on l’a si souvent répété que les femmes ont fini par le croire », entamait-elle à l’époque).
Ce n’est qu’en 1972, à l’âge de 42 ans, qu’elle publie un de ses ouvrages les plus connus, La Part des choses, puis Ainsi soit-elle trois ans plus tard, où elle revendique ouvertement son féminisme, comme le rappelle le Monde.fr. Dans ce « livre qui parle des femmes« et de leur « infini servage » elle critique leur domination dans une société patriarcale dont elles n’arrivent pas à s’émanciper :
« Rien ne changera profondément aussi longtemps que ce sont les femmes elles-mêmes qui fourniront aux hommes leurs troupes d’appoint, aussi longtemps qu’elles seront leurs propres ennemies », écrit-elle notamment.
Et d’en appeler il faut enfin à « guérir d’être femme. Non pas d’être née femme, mais d’avoir été élevée femme dans un univers d’hommes« .
Des hommages à la pionnière Olympe de Gouges
De la dénonciation de l’excision à son combat pour la féminisation des noms de métiers (elle est présidente de la Commission de terminologie pour la féminisation des noms de métiers entre 1984 à 1986), Benoîte Groult a traité de toutes les luttes égalitaristes, avec un vocabulaire à la fois précis et cru qui rend son style unique.
En 1986, elle décide d’éditer pour la première fois en France en intégralité la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges de 1791. Elle rendra encore une fois hommage à la femme politique, pionnière dans la défense des droits des minorités, guillotinée durant la Terreur, dans son essai Ainsi soit Olympes de Gouges, publié en 2013 :
« Parce qu’elle a été la première en France en 1791 à formuler une ‘Déclaration des Droits de la Femme‘ qui pose dans toutes ses conséquences le principe de l’égalité des deux sexes. Parce qu’elle a osé revendiquer toutes les libertés, y compris sexuelle ; réclamer le droit au divorce et à l’union libre ; défendre les filles-mères et les enfants bâtards, comprenant que la conquête des droits civiques ne serait qu’un leurre si l’on ne s’attaquait pas en même temps au droit patriarcal. Parce qu’elle a payé de sa vie sa fidélité à un idéal. »