Entouré d’une équipe inattendue et rajeunie,
Thiéfaine offre à ses chansons un séduisant bol d’air.
La sérénité n’est sans doute pas le terme le plus adéquat pour résumer la discographie pléthorique d’Hubert-Félix Thiéfaine. Bâtis sur des charpentes de sombre et de noir, ses disques n’ont que très rarement laissé entrer le soleil ou les perspectives de futur. Soleil cherche futur annonçait d’ailleurs l’un d’entre eux, ne laissant que peu d’espoirs suinter de l’alambic verbal.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Et voici qu’arrivent ces Suppléments de mensonges, six ans après un autre très réussi Scandale mélancolique, dont exhale ce premier et incongru sentiment général : la sérénité. Bien sûr, le titre fausse les pistes et souligne d’entrée le possible leurre. Mais pourtant, même euphémique, c’est une vraie quiétude que dispensent majoritairement les douze présentes chansons. A n’en pas douter, le présence des Valentins, Edith Fambuena et Jean-Louis Pierrot, s’impose en première cause et effet majeurs de cette nouvelle donne plus pastel et chatoyante. Responsables d’une production à la fois respectueuse d’un univers unique et capable d’en défricher des voies inconnues, ils prouvent une nouvelle fois leur capacité à se fondre dans un monde pour mieux en retranscrire les sentiments.
Comme ils l’avaient si bien négocié pour le Fantaisie militaire d’Alain Bashung, leurs mises en plis n’imposent rien, ne vampirisent jamais leurs hôtes, mais savent en récolter les plus beaux fruits. Un autre de leurs jolis appuis à la réussite de cet album, et pas le moindre, est d’avoir su amalgamer autour du mât Thiéfaine une impressionnante guirlande de contributeurs venus d’horizons pourtant hétérogènes. Compositeurs composites donc : l’unité s’opère en toute évidence entre les présents Arman Méliès, JP Nataf ou Dominique Dalcan (pour le très élégant Québec November Hotel).
Mais des surprises plus flagrantes encore émanent d’autres La Casa ou Ludéal, pas forcément attendus à pareille fête. Leurs respectifs Fièvre résurrectionnelle, La Ruelle des morts et Lobotomie Sporting Club, aèrent la mélancolie usuelle et amère de l’ermite de Dôle à grands renforts de foehns vaporeux et d’espaces vierges. Tucson-sur-Doubs pour le coup : comme si Calexico s’invitait sur les premiers contreforts du Jura. Mais tout ceci ne saurait nous faire oublier qu’un seul maître de cérémonie dirige les débats : soit un Thiéfaine très à l’aise au centre d’un riche banquet d’orchestrations limpides et sans bavardages superflus.
Si ses textes s’articulent toujours autour d’une nostalgie anthracite, on peut néanmoins constater quelques fissures de la couche de nuages. Ne parlons pas encore d’un optimisme débordant, mais les éclaircies sont clémentes au cœur de ses écheveaux de mots torturés. Ne parlons pas non plus d’un âge de raison, mais plutôt des raisons de prendre son âge et son histoire comme de véritables atouts. Hubert-Félix aura 63 ans le 21 juillet prochain, mais ne semble pas disposé à faire valoir ses droits à la retraite. Bien au contraire, on le découvre par ses Suppléments de mensonge plus que jamais capable de moduler sa poésie à tiroirs et dominer ses cicatrices. Finalement, le futur lui va comme un gant.
{"type":"Banniere-Basse"}