Sur la pochette, deux chevaux : ceux de Troy. Ça tombe bien, car ce premier album solo du chanteur de Chokebore agit précisément en cheval de Troie, scandaleusement entriste, profitant de sa douceur de ton pour s’installer en toute intimité puis attaquer le moral de l’intérieur. Il y a du Elliott Smith dans cette façon […]
Sur la pochette, deux chevaux : ceux de Troy. Ça tombe bien, car ce premier album solo du chanteur de Chokebore agit précisément en cheval de Troie, scandaleusement entriste, profitant de sa douceur de ton pour s’installer en toute intimité puis attaquer le moral de l’intérieur. Il y a du Elliott Smith dans cette façon d’enrober de sucre une mélancolie assassine, qui se déplie, tentaculaire, au fil des chansons.
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Comme lui, Troy Von Balthazar n’a pas toujours osé ce dénuement acoustique : alors qu’Elliott exhibait muscles et tatouages ? plutôt que ses plaies ? dans le rock énergique et désespéré d’Heatmiser, Troy a longtemps été la voix tremblante et écorchée des Hawaiiens atomisés de Chokebore. Mais plus question, ici, de dissimuler spleen et vulnérabilité derrière des murailles d’électricité sauvage : en 2003, Troy Von Balthazar a habité (dans tous les sens du terme) la maison californienne de Leonard Cohen, a même composé sur la guitare nue du maître ? une leçon d’humilité et de dénuement dont ce premier album porte encore les stigmates.
Ne surtout pas croire le second titre de l’album, I Block the Sunlight out ( Je ne laisse pas entrer la lumière du soleil’) : la lumière reste certes pâle, vacillante, mais la chaleur irradie ces chansons suggérées, effleurées, apaisées, où le dénuement (boîte à rythme, au singulier, piano, guitare, entrelacs d’harmonies en apesanteur) ne condamne jamais à l’indigence. Tout ça, la faute de cette voix, petite chose fragile, sensible et avenante, qui regarde droit dans les yeux, droit dans les tripes, présente jusqu’au dérangeant. Depuis le Unplugged de Nirvana (grands fans de Chokebore), on n’avait pas été aussi enchanté par une telle panne d’électricité.
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