Le charme de la poésie sombre des Chansons d’Amour, sans Louis Garrel, mais avec Alex Beaupain.
Assister à un concert, aller écouter « en vrai » l’artiste qui accompagne en musique un peu de notre quotidien, c’est toujours confronter une réalité à un fantasme. C’est voir s’incarner une musique numérisée, c’est faire fonctionner nos yeux, quand seules nos oreilles avaient été jusque là sollicitées. Quand l’artiste en question est le compositeur de la bande originale d’un film que l’on a aimé, le fantasme est d’autant plus grand : les images sont déjà là.
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En l’occurrence, on avait peut-être autant aimé Les Chansons d’amour de Christophe Honoré, que les ritournelles qu’Alex Beaupain avait composées pour cette comédie musicale –ou plutôt « tragédie musicale»-, et il faut bien le dire, on s’était un peu habitué, à force de visionnages, à en entendre les versions d’un Louis Garrel endeuillé, d’une Ludivine Sagnier de retour d’entre les morts, ou d’un Grégoire Leprince-Ringuet (alias Le Breton) éperdument amoureux.
Alex Beaupain pour nous, c’était alternativement l’auteur de ces chansons d’amour et l’interprète -dans une scène clé et tragique du film- de Brooklyn Brigde. Et parce que comme il le dit lui-même, ses chansons parlent surtout de « mort et de pluie » on craignait un artiste aussi tourmenté que ses textes et une ambiance un peu plombée ; la présence sur la petite scène du théâtre de Vanves d’un artiste chaleureux, drôle et attendrissant aura suffit à dissiper ces fantasmes-là.
Alex Beaupain annonce d’entrée de jeu le programme: des chansons d’amour, certaines tirées du film, d’autres de son prochain album, et il n’hésite pas à avouer son stress quand il dévoile ces dernières que « personne ne connaît » et qui sont pourtant annonciatrices d’un joli album. Quand il entame le concert par Brooklyn Bridge -justement-, les images du film sont là, bien sûr, mais le charisme de son interprète prend très vite le dessus, et les harmonies d’une violoncelliste, choriste et bassiste ainsi que d’un guitariste -excellent, quoique adorablement tête en l’air- n’y sont pas étrangères.
Les chansons se succèdent. On en découvre les inédites, en redécouvre les familières et se réjouit de voir une sympathique intimité s’installer peu à peu dans cette petite salle douillette au cœur de laquelle la complicité des musiciens fait écho au plaisir un peu masochiste d’entendre chanter la pluie et la mort . Du plaisir, et de l’amusement même, notamment lorsque l’on assiste, surpris, à une reprise twist non pas de Il pleut des larmes ou En écoutant la pluie, mais de A présent tu peux t’en aller de Richard Anthony.
On savoure As-tu déjà aimé en deuxième et dernier rappel, et la boucle est bouclée: on oublie le film qu’on aime tant et choisit de garder en « bande visuelle » de ces chansons, l’image d’un chanteur plein d’humour, cravate au cou et baskets aux pieds, dans un petit théâtre de Vanves.
Hélène David
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