Le Prince Noir : c’est au track de Perez que l’on pensait en voyant, samedi soir au palais de Tokyo évoluer les garçons Hermès. Pour l’hiver 14/15, Véronique Nichanian, qui modèle l’homme maison depuis 26 ans avait imaginé une silhouette ample, à la séduction noire et élégante, née d’un dialogue incessant et prolixe entre luxe […]
Le Prince Noir : c’est au track de Perez que l’on pensait en voyant, samedi soir au palais de Tokyo évoluer les garçons Hermès. Pour l’hiver 14/15, Véronique Nichanian, qui modèle l’homme maison depuis 26 ans avait imaginé une silhouette ample, à la séduction noire et élégante, née d’un dialogue incessant et prolixe entre luxe et sportswear . Rencontre.
Vous dites, avant de travailler sur une nouvelle collection, regarder tout d’abord les couleurs et les matières : parlez nous de celle ci dominée par les noirs, bleus nuits, verts et un imaginaire assez crépusculaire.comment la définiriez vous ?
Mon envie était de travailler des tons sombres, des faux noirs, des verts de gris. Je trouvais que la superposition, dont j’avais très envie cette saison, prenait une intensité, une profondeur incroyable avec des faux noirs : chacun renvoyait une lumière différente, et était réalisé dans une matière ou un tissu différent. Les gens sont plus habitués à voir de la couleur dans mon travail. J’avais dans ma gamme un rouge très fort et un bleu glacier. En travaillant sur la gamme, je me suis aperçue qu’il était plus intéressant de garder un parti-pris de tons très sombres mélangées entre eux.
L’homme d’aujourd’hui s’habille-t-il de plus en multipliant les superpositions, comme on a pu l’observer dans votre collection et dans celles de quelques autres créateurs lors de cette fashion week ?
J’ai toujours aimé le télescopage des genres dans mon travail, ce côté sport-chic. Un costume porté avec une parka, ou une pièce qui twiste l’ensemble par exemple. Des mélanges de matières très raffinées avec d’autres plus rustiques. Ces contrastent racontent l’air du temps et une façon moderne de s’habiller. On a aujourd’hui envie de vêtements techniques qui protègent. Dans le même temps, contre la peau, on a envie de cachemire, ou d’une très belle laine. Ce mélange des genres est pour moi la façon la plus contemporaine d’envisager un vestiaire masculin. Les belles matières ne suffisent pas. Cela n’a pas grand sens de superposer des cachemire ensemble. Ce qui est important c’est d’avoir une conception juste de la façon dont les hommes bougent, vivent.
Comment définiriez vous cette manière de vivre ?
Tout le monde est en mouvement, voyage, met sa parka en boule dans son sac mais a envie d’être élégant. J’ai toujours travaillé sur des pièces réversibles, transformables. Cela permet d’avoir deux vêtements en un bien sûr, mais surtout deux identités. J’aime les vêtements versatiles, qui nous suivent dans la vie.
On a également vu par exemples plusieurs teddys réversible en vison et agneau. Est ce une pièce qui occupe une place importante dans votre imaginaire ?
C’est une pièce que j’adore qui revient dans mes collections. Cet hiver il était d’un chic extrême, de couleur sombre, en crocodile chiffon. Ce petit blouson reste intemporel, transgenres. Il est porté par des hommes d’âges, de profils et physiques extrêmement différents. J’aime beaucoup travailler les détails, les matières les tissus ; les couleurs mais je reste toujours sur une silhouette assez essentielle. Je fais un gros travail sur la ligne, mais j’aime que cela ne se voie pas, que cela se résume à des vêtements très simples. Je déteste les détails superflus. J’adore en revanche les détails égoïstes, les fonds de poche en agneau..Cela se passe alors dans l’intimité, entre l’homme qui le porte et son vêtement. Cela ne regarde que lui et ne s’adresse qu’à lui. C’est ma façon de parler doucement à l’homme qui porte mes vêtements.
Vous avez également comme avec ces longues parkas par exemples, travaillé sur des volumes généreux. Que signifie selon vous ce goût actuel pour l’ampleur ?
Je l’associe à une idée de confort. J’ai toujours travaillé des silhouettes fines, longilignes. Cette année j’avais envie d’une silhouette plus affirmée. Il y a l’idée je crois d’être suffisamment enveloppé pour affronter les choses.
Est ce que type de volume définit quelque chose du rapport à l’autre ?
Je dirai davantage du rapport à l’air du temps. Un espace de protection, d’affirmation. On se sent bien, on peut se mouvoir à sa guise. Je crois que c’est une envie perceptible : on n’a plus envie de choses étriquées. Je pense que c’est un changement qui s’amorce et va perdurer plusieurs saisons.
Que pensez vous de l’influence de plus en plus prégnante du sportswear sur la mode masculine contemporaine, vous qui explorez cette collision depuis plus de 25 ans ?
Je trouve que cela a modifié le vestiaire masculin sur deux point précis : cela a apporté à l’homme de nouvelles matières, des tissus élastiques, respirants. Il veut désormais retrouver ce confort dans un costume, ou dans une allure plus citadine. Cela a également modifié la notion de couleur. Les hommes se sont habitués à porter de la couleur pour aller courir, faire du sport et ils se sont habitués à la manier dans leur vie sociale et quotidienne. Je pense que cela a institué un dialogue très intéressant dans le vestiaire masculin. Je pense qu’il y a encore énormément de choses à raconter et exprimer. Je me souviens de mon père qui disait « j’ai besoin d’un manteau ». Les hommes ont changé : ils n’achètent plus seulement par besoin, mais aussi un plaisir.
photos : Luke Pradal
Bande-son du défilé :
[soundcloud id=’130611739′]
DARKSIDE « Golden Arrow » (Other People/Matador)
C.A.R « Hijk » (Kill the DJ records )
DARKSIDE « Paper Trails » (Other People/Matador)
THE XX « Swept Away » – New Jackson Remix – (Young Turks /XL Recordings)
BRETON « Got Well Soon » (Believe Recordings)
Mixe :Thierry Planelle /The Music Agency pour Hermès
www.tmaparis.com