Près de vingt-cinq ans après sa mort, la Cinémathèque française rend hommage à Jacques Demy en exposant ses films. Une promenade dans le petit monde de l’auteur des Parapluies de Cherbourg, de Nantes à Los Angeles. A retrouver également dans notre hors série spécial en kiosque dès aujourd’hui et en ligne ici.
À la disparition de Jacques Demy en octobre 1990, le prestige de son oeuvre était un peu fané. Après une décennie 60 miraculeuse, où il enchaîna les grands films et les grands succès, les années 70 et 80 furent plus ingrates : aucun succès, même pour un film aussi unanimement célébré qu’Une chambre en ville ; de nombreux projets avortés… Mais depuis deux décennies, l’importance de son oeuvre ne cesse de croître et occasionne de nouveaux événements. Après le triomphe de l’intégrale en DVD en 2008, le succès de la reprise de Lola l’été dernier, c’est un raz-de-marée Demy qui s’annonce ce printemps : rétrospective intégrale de ses films, conférences, rencontres avec ses collaborateurs et surtout une grande exposition à la Cinémathèque, Le Monde enchanté de Jacques Demy, signée Matthieu Orléan, avec la collaboration artistique de la costumière Rosalie Varda, fille d’Agnès.
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Au départ, Nantes…
Mais plutôt que d’exposition, c’est de promenade qu’il faudrait parler. Après avoir traversé le « passage Pommeraye », jolie ouverture en trompe-l’oeil de l’exposition par cette célèbre galerie marchande nantaise qu’on voit dans plusieurs films de Demy, on y découvre la vie et la carrière du cinéaste, divisées en salles, en commençant par Nantes (les courts métrages et Lola). Sur la droite, le décor d’une rue permet de visiter une maison des Parapluies de Cherbourg avec les dessins préparatoires et les papiers peints du décorateur Bernard Evein, et d’écouter la musique de Michel Legrand, puis une vitrine évoque la Palme d’or cannoise (avec une lettre de félicitations de François Truffaut)…
À gauche, devant une bouche à incendie rose, une maison Les Demoiselles de Rochefort avec la reconstitution de la galerie d’art de Lancien, l’amant de Deneuve (on y trouvera des reproductions d’oeuvres inspirées de Calder, de Niki de Saint Phalle ou de Buffet visibles dans le film) ; et, dans une autre pièce, des photos de tournages en couleur sublimes prises par Agnès Varda ou celles, tout aussi belles mais en noir et blanc, de David Bailey (le mari de Catherine Deneuve à l’époque des Demoiselles). Au mur toujours, les dessins de Bernard Evein, si rigoureux, si simples et si évocateurs déjà de ce que seront la boutique de musique de Simon Dame (Michel Piccoli) ou la buvette d’Yvonne Garnier (Danielle Darrieux).
… Puis l’Amérique
Suit une salle « américaine », entièrement consacrée au séjour californien de la famille Demy-Varda, au seul film qu’y tourna le cinéaste, le magnifique Model Shop, où l’on retrouvait Lola neuf ans après Nantes. Une interview d’Harrison Ford, filmée il y a quelques mois, y est projetée, tandis que des affiches et des tableaux d’artistes américains des années 60 sont exposés, en concordance avec le style du film, son esprit à la fois hippie et antonionien, ainsi que des photos prises par Demy à Los Angeles à différents moments de sa vie.
C’est sans doute la salle suivante – à laquelle mène un petit couloir mystérieux bordé de gravures de Gustave Doré d’un côté et de Leonor Fini de l’autre (elle collabora un temps avec Demy avant d’abandonner le projet) – qui réjouira le plus tous les enfants (les vrais et ceux qui sommeillent en nous, bien sûr) : celle de Peau d’âne. Au centre, tournant sur elles-mêmes, les trois robes que la princesse (Catherine Deneuve) exige de son père (Jean Marais), grandeur nature, recréées pour l’occasion : celle du Jour (la dorée), celle de la Lune (la noir tachetée de points d’argent) et celle du Temps (bleue, sur laquelle seront projetées des images de nuages défilant, procédé d’ailleurs utilisé sur le tournage en 1970). Deux statues bleues, entourées de feuillage, encadrent l’affiche du film et font face à la vraie peau d’âne (un peu rongée par les mites, elle a néanmoins pu être sauvegardée) qui, mise en scène dans un décor sylvestre, a l’air de surgir du bois ! Des photos, prises sur le tournage, saisissent au passage la barbe de Jim Morrison allongé dans l’herbe à côté d’Agnès Varda.
Une exposition complète et en couleurs
Sont ensuite évoqués plus brièvement Le Joueur de flûte, Lady Oscar, L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune… Puis on retrouve les papiers peints de Bernard Evein pour le chef-d’oeuvre Une chambre en ville. Avec des photos de tournages, des esquisses, des documents de travail encore, des photos montrant le trucage qui permit à Demy de « reconstruire » pour un plan le pont transbordeur de Nantes.
Après Paris et Trois places pour le 26, l’exposition se termine par la petite cinémathèque de la famille Demy-Varda (avec ses boîtes empilées, ses projecteurs de tous formats) et les tableaux que Demy peignit à la fin de sa vie. Enfin, dans la boutique qui se situe à la fin de l’exposition, le plafond est recouvert de parapluies ouverts de toutes les couleurs.
exposition Le Monde enchanté de Jacques Demy, jusqu’au 4 août à la Cinémathèque française, Paris XIIe
livre Une chambre en ville de Raphaël Lefèvre (Yellow Now), 112 pages, 12,50 €
A lire aussi le Hors série Inrocks « Jacques Demy l’enchanteur » disponible en kiosque et en ligne ici
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