Faut-il vraiment fêter le cinéma français ?”, s’interroge avec une pointe d’insolence Télérama à la veille des César, tandis que sur la couverture une statuette dorée s’enfonce à pic dans l’océan. Cédric Klapisch semble penser que oui, il en a même fait un film. A défaut d’être un film sur la société française (réduite à […]
Faut-il vraiment fêter le cinéma français ?”, s’interroge avec une pointe d’insolence Télérama à la veille des César, tandis que sur la couverture une statuette dorée s’enfonce à pic dans l’océan. Cédric Klapisch semble penser que oui, il en a même fait un film. A défaut d’être un film sur la société française (réduite à un échantillonnage simplet), Paris est un film sur le cinéma français, une sorte de bande-annonce idéale qu’aurait pu commanditer Unifrance pour faire des économies : en lieu et place des dispendieux festivals présentant aux distributeurs étrangers un large panel de la production nationale, voici Paris, film de démonstration parfait, qui à lui seul met tous nos auteurs en vitrine.
Chacun peut chiner à l’intérieur, on y trouve de tout à l’état de miniature : un film social de Nicolas Klotz (l’itinéraire d’un homme venu du Kenya qui traverse l’Afrique jusqu’à Gibraltar et entre clandestinement en France), une élégie de Christophe Honoré (Romain Duris, possiblement condamné par une maladie du cœur, enfermé dans son appart transformé en roulotte où s’installe sa sœur, Juliette Binoche), un conte cruel de Pascal Bonitzer (Fabrice Luchini, universitaire amoureux de son étudiante, avec scène de psy et trafic de SMS à la clé)… Le champ couvert s’étend jusqu’à des régions plus popu (les scènes très Chatiliez de la boulangère raciste) et comprend de petites vignettes (les fashionistas encanaillées qui vont lever du prolo aux halles de Rungis) dont on ne voit pas très bien qui aurait pu les filmer sinon Cédric Klapisch. L’utopie de Paris serait alors de créer un espace où tous ces cinémas français pourraient cohabiter harmonieusement, constitueraient une grande arche pacifiée, un seul organisme. Pourtant, le film ne tient pas cette gageure œcuménique. Car pour boucler sur une durée de long métrage son récit feuilletonnant, Klapisch doit avancer en balançant par-dessus bord certaines fictions (celle de Karin Viard est proprement éjectée) et choisir lui aussi, de façon peu égalitaire, ses films préférés parmi son film (en l’occurrence, la branche Honoré/Bonitzer).
Tentative de cartographie du cinéma français contemporain, Paris a aussi une histoire. Le point d’origine dans notre cinématographie nationale de ce type de récit multipolaire, tissé de considérations générales sur les gens qui vivent et les gens qui meurent, les fils du destin qui dessinent de drôles de rimes, les personnages principaux d’une histoire qui réapparaissent comme figurants de celle de leur voisin, c’est évidemment Claude Lelouch. On ne cesse de le répéter depuis des années : de Magnolia à Babel, jusqu’à Paris, son cinéma, consciemment ou pas, est devenu la matrice d’un certain type de fiction très en vogue. Lelouch, influence majeure donc, qui avait même anticipé, dès 1983 (Edith et Marcel), le phénomène La Môme. Si le cinéma français vaut bien une fête, il devrait en être le roi.
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