Le groupe, signé sur le label Warp, a sorti une compilation (Work and Non Work) et deux albums (The Noise Made by People et Haha Sound) qui demeurent de belles petites pièces d’apparat, des symptômes d’époque plutôt que des œuvres intemporelles, mais qui contiennent quelques moments presque parfaits, notamment l’extatique single Come on Let’s Go. […]
Le groupe, signé sur le label Warp, a sorti une compilation (Work and Non Work) et deux albums (The Noise Made by People et Haha Sound) qui demeurent de belles petites pièces d’apparat, des symptômes d’époque plutôt que des œuvres intemporelles, mais qui contiennent quelques moments presque parfaits, notamment l’extatique single Come on Let’s Go. Logiquement, Tender Buttons n’aurait pas dû dépareiller, et son écoute aurait dû être agréable et légère, mais vite suivie par une relégation rapide à côté des autres disques de la troupe. Depuis qu’il est apparu, cet album n’a pourtant guère décollé de la platine. Comment se fait-il donc que Broadcast se soit tout à coup imposé ainsi, métamorphosé et désarçonnant de beauté ?
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D’abord, le groupe s’est réduit à un couple, Trish Keenan et James Cargill. L’adoption de cette formule plus primaire donne au disque un air intime, presque domestique : le son n’y est plus fait par un groupe, mais bien par des machines, des ordinateurs et des boîtes à rythmes aux sonorités plutôt lo-fi. Du coup, les instrumentations ont un air légèrement brinquebalant, modeste et vont à l’essentiel du propos. Il n’y a ici ni virtuosité ni technicité, mais le simple désir d’établir un son brut, moins chargé que par le passé.
L’attrait immédiat de Tender Buttons surgit par la voix de Trish Keenan, et ses mélodies vocales désormais décomplexées. La chanteuse aborde des thématiques extrêmement personnelles, le disque s’écoutant presque à la manière d’un journal intime. Trish Keenan : Quand j’ai commencé à écrire les paroles des chansons, je voulais simplement jouer avec les mots et m amuser un peu. Mais même en tentant de me sortir complètement du tableau, j’ai tout de même fini par écrire sur moi. J’ai eu besoin de le faire car, pendant l’écriture des morceaux, j’ai découvert que mon père avait un cancer du poumon. Je prenais beaucoup soin de lui, tout le temps, et écrire les chansons était devenu mon seul moment d’évasion… Il est finalement décédé durant l’enregistrement de Tender Buttons.?
œuvre de deuil en train de s’accomplir, Tender Buttons est aussi un album très introspectif, dans lequel la chanteuse convoque ses souvenirs et ses origines. Dans le frénétique Michael a Grammar, elle évoque le lieu de son enfance, Chalmsley Wood, et toutes les figures qui l’y ont hantée. Dans Goodbye Girls, elle dépeint une sorte de portrait tragi-comique de prostituées, qui sont aussi des membres de sa famille et pour lesquelles elle manifeste beaucoup d’affection. Même America s Boy, qui se réfère aux soldats américains et que l’on pourrait vite prendre pour une diatribe anti-Bush, a été inspiré par des termes que Trish a trouvés en faisant des mots croisés avec son père malade.
Pour autant, Tender Buttons n’a rien d’un album maussade ou nostalgique. Il est au contraire un disque d’exaltation, qui parvient à occulter sa tristesse, ne serait-ce que grâce aux rythmes électroniques un peu mal dégrossis qui contrastent avec les histoires de Trish. Il est surtout chargé de ritournelles, de petites mélodies qui se gravent dans les oreilles pour ne plus jamais en sortir, comme si, en tentant de faire un disque d’électronique domestique et modeste, Broadcast avait enfin, et simplement, réussi à créer un excellent disque de pop.
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