Alors que l’on célèbre surtout la carrière littéraire du « pape du Nouveau Roman » décédé lundi, hommage à l’autre versant de son œuvre, cinématographique.
On l’oublie trop souvent : l’écrivain Alain Robbe-Grillet fut aussi cinéaste. Avis à l’usage des internautes : si l’envie vous prenait de vous faire une petite idée du cinéma d’Alain Robbe-Grillet, je veux dire une idée débarrassée des clichés à quoi on le réduit trop souvent (pseudo-David Hamilton avec une Arielle Dombasle ridicule), n’hésitez pas à trouver sur le Web ce court extrait de L’Eden et après (1969), somptueuse séquence dite de « la poudre de peur ». Où l’on voit, dans une ambiance d’entreprise, une jeune femme blonde invitée par un homme à ingurgiter une énigmatique poudre blanche, et livrée progressivement à quantités de visions fantasmatiques.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Femmes cloîtrées, enchaînées, ensanglantées, coups de pistolet, cris d’angoisse, feux, déformations visuelles et sonores, anthropomorphies rouges en hommage à Yves Klein — cette scène hallucinatoire est un véritable concentré du meilleur cinéma de Robbe-Grillet : une sortie hors du récit linéaire, une exploration mentale des fantasmes, une vision subjectivée qui prend le pas sur le réel et le réalisme. Et l’on comprend pourquoi l’histoire du cinéma réservera toujours une place à ce monstre de littérature et « Pape du Nouveau Roman » qui fut aussi l’unique chef de file de son propre « Nouveau Cinéma », avec des titres comme L’immortelle, Trans-Europ Express, le bien nommé Glissements progressifs du plaisir, et encore L’homme qui ment et son fabuleux Jean-Louis Trintignant.
Mais Robbe-Grillet donna aussi ses lettres de noblesse au genre du « ciné-roman », dont le fameux L’année dernière à Marienbad réalisé par Alain Resnais, Lion d’Or 1961 de la Mostra de Venise. Autant dire qu’il laisse là aussi une œuvre complexe de cinéma au sens large, expérimental à sa manière, lui qui devait trouver encore trop linéaires, trop conventionnels, trop « film à papa » et encore trop balzaciens les récit filmiques de la Nouvelle Vague et qui s’aventura à explorer seul ses fantasmes visuels. Vous reprendrez bien un peu de poudre de peur ?
{"type":"Banniere-Basse"}