Fondée en 1977, la maison parisienne Bill Tornade peinait à se positionner dans l’univers du prêt-à-porter masculin de luxe. Fin 2013, deux nouveaux investisseurs prennent part au capital de la marque et impulsent un repositionnement d’image pour séduire une clientèle masculine plus dynamique : Bill Tornade accueille Sylvia Rielle, nouvelle directrice artistique issue du prêt-à-porter féminin, […]
Fondée en 1977, la maison parisienne Bill Tornade peinait à se positionner dans l’univers du prêt-à-porter masculin de luxe. Fin 2013, deux nouveaux investisseurs prennent part au capital de la marque et impulsent un repositionnement d’image pour séduire une clientèle masculine plus dynamique : Bill Tornade accueille Sylvia Rielle, nouvelle directrice artistique issue du prêt-à-porter féminin, qui s’attache à donner un souffle nouveau à la marque en perte de vitesse. Par quels procédés passe une marque pour redynamiser son image? La nouvelle DA raconte son processus de repositionnement créatif.
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Quelle était votre démarche créative pour cette première collection chez Bill Tornade? Cela relevait-il plus d’un travail d’archives ou d’une prise de distance par rapport aux collections précédentes?
J’ai clairement choisi la distance. En même temps, je crois quand on rentre dans une maison, il y a forcément des choses qui sont là et qu’on essaie de maintenir. On ne va pas faire la révolution. C’est difficile de faire un « avant/après », Bill Tornade est une marque qui existe depuis 40 ans et la maison a eu des moments stylistiques très différents. Il y a une dizaine d’années, l’identité forte de la marque était très rock’n’roll, avec des fits très slim et un pantalon star, le « Elvis ». Au fil du temps – comme pour toutes les maisons – cette identité s’est un peu diluée, Bill Tornade avait besoin d’un nouveau souffle. Je suis arrivée en septembre 2013, pour créer une identité 2014 en restant sur l’univers Bill Tornade : aujourd’hui, le « rock » n’est plus très à la mode; j’avais envie de revenir sur quelque chose de plus doux, de plus « clean ».
Vous avez complètement redessiné l’image de la marque, jusqu’à la création d’un nouveau logo. Pourquoi ce choix?
Quand j’ai redémarré la marque, la typo a changé, l’étiquette, tout – et c’est moi qui ait tout redessiné. Je pense que c’est important de visuellement marquer les esprits par des vêtements un peu identitaires. Mais j’évite le gros logo, j’essaie de faire ça avec un peu de subtilité. Par exemple, on a introduit sur cette collection la signature Bill Tornade, placée sur le bas des chemises et des pulls, ainsi que des sweats à message. C’est devenu très important d’avoir des pièces identitaires : reprendre les logos ou le nom de la marque sur ses pièces, c’est vraiment dans l’air du temps.
En termes de création, quel est votre principal credo?
La simplicité. C’est souvent bien plus difficile de changer les choses pour les faire simple, car c’est tellement plus simple de faire compliqué ! On peut toujours ajouter des éléments, mais vraiment arriver à trouver quelque chose d’assez essentiel et authentique, c’est plus difficile. Un de nos canons est l’encolure carrée : j’ai réfléchi à ce que les hommes portent, en dehors des costumes, et j’ai trouvé deux options : soit des cols en V, soit des cols ronds. C’est rare qu’un mec n’ait pas ça dans son vestiaire – plus encore qu’une femme. La recherche partait de là : se demander comment on peut changer ça sans partir dans des créations trop compliquées. Et ce petit col carré, c’est ça la mode homme, trouver des détails pas trop compliqués qui vont faire toute la différence.
Aviez-vous déjà fait de l’homme?
Non, j’y ai seulement touché un petit peu auparavant. Mais j’adore. A un moment donné, au bout de tant d’années de métier, on n’a plus envie de se casser la tête pour les quelques millimètres ou pour LE détail qui change tout. Mais la création naît de la subtilité, et c’est cette subtilité que j’aime bien. De temps en temps, [créer pour] la femme me manque un peu, surtout en terme de matières. Quand je vais au salon Première Vision et que je vois plein de tissus qui me plaisent, je suis toujours obligée de me freiner en me disant, “Non, c’est trop femme”. Parce que sincèrement, [quand on créé pour] la femme, c’est dur de changer. L’offre est tellement grande qu’on n’amène pas grand chose. Aujourd’hui, il y a aussi une logique de prix spécifique, une femme qui a un peu de goût peut s’habiller sans trop dépenser. Pour les hommes, c’est plus compliqué.
Vous êtes très inspirée par la rue?
Oui, énormément. Par la rue, par les mouvements qu’on y décèle : les nordiques, qui vont être dans le dark et les superpositions, ou d’autres qui sont beaucoup plus hip-hop… Je suis aussi inspirée par le sport américain, ou le vestiaire de Kanye West : finalement, c’est parisien, parce que c’est ce que voient les Parisiens. Une pièce qui m’intéresse beaucoup est le t-shirt long, qu’on voit partout chez les créateurs homme depuis quelques saisons : si on remonte aux origines du truc, ça ne vient pas de Paris, ça vient vraiment du streetwear américain. On est revenus à des choses un peu plus dans l’air du temps, marqué par une tendance très forte : la mixité de genre. C’est l’élément majeur qui vient influencer le vestiaire masculin d’aujourd’hui, ça se ressent partout – les coupes longues, ça vient directement du vestiaire féminin. Moi, j’aime la frontière de toutes ces choses, je vais vers des créations plus recherchées, plus urbaines. On essaie vraiment de faire des choses fraîches.
Est-ce que vous créez pour un homme particulier? Aviez-vous des références précises pour l’homme Bill Tornade?
C’est difficile de dessiner sans avoir quelqu’un comme repère. Pour Bill Tornade, c’est très pluriel. Mes amis m’inspirent. Certains sont plus Belleville, d’autre plus Saint Germain – ça reste complètement parisien. J’ai toujours revendiqué Paris, mais pas parce que c’est un phénomène de mode, ça a toujours été comme ça. Dans l’homme, il y a de grandes tendances : on est obligés de côtoyer l’Italie et les Italiens au niveau de certains cols de chemises, de chinos un peu près du corps, de vestes bien moulées… Et aussi les inspirations anglaises, avec tout le côté gentleman avec le pantalon fitté. Ce sont des choses qui marchent comme des repères et moi, mon univers est parisien. Au niveau des marques, j’aime ce que faisait Guillaume Henry chez Carven – qui a une identité propre, qui fait des volumes un peu larges, comme un garçon qui a grandi – et Hedi Slimane, qui est vraiment dans le rock pur. Ces gens la transmettent des messages très personnels par leur vestiaire. Je suis moins rock que l’un, plus pointue qu’un autre… Il n’y a pas non plus 50 marques aujourd’hui en homme qui arrivent à séduire. En bref, on propose un vestiaire pour un mec qui aime les vêtements, mais qui ne veut pas partir trop loin.
A lire : l’article du dernier numéro mode des Inrockuptibles Relooking extrême : changer d’image pour sauver sa marque.
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