Avec ses silhouettes de gamins inspirées de la street-culture russe, le créateur, photographe et vidéaste Gosha Rubchinskiy instille un peu de glasnost dans la mode contemporaine. Dans un temple protestant du XIe arrondissement de Paris, l’encens peine à couvrir la forte odeur de weed qui flotte dans l’atmosphère. Des gamins aux cheveux en brosse ou […]
Avec ses silhouettes de gamins inspirées de la street-culture russe, le créateur, photographe et vidéaste Gosha Rubchinskiy instille un peu de glasnost dans la mode contemporaine.
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Dans un temple protestant du XIe arrondissement de Paris, l’encens peine à couvrir la forte odeur de weed qui flotte dans l’atmosphère. Des gamins aux cheveux en brosse ou à la coupe mulet – l’un d’eux a à peine 13 ans – dévalent la piste d’un pas affirmé pour se planter devant les photographes, sur le mix d’un DJ moscovite. Le défilé homme de Gosha Rubchinskiy oscille entre la nostalgie d’une jeunesse postsoviétique et l’apologie d’une génération 2015 marquée par le multiculturalisme, le tout exprimé par des sweats et joggings inspirés de la dégaine des adeptes du mouvement national-bolchevique. Gros clash des cultures en pleine fashion week. La création stylistique n’est que la partie immédiatement visible de l’iceberg. Designer, photographe et vidéaste, Gosha Rubchinskiy, 30 ans, est né à Moscou où il vit encore. Emmitouflé dans sa doudoune – “Je préfère largement Paris en été” –, il raconte d’une voix douce son enfance au lendemain de la chute de l’URSS. “J’étais jeune ado au début des années 90, au moment où toute la culture occidentale est arrivée en Russie. Plein de nouveaux magazines ont vu le jour, des clubs, d’énormes fêtes underground… On découvrait un autre monde.”
Le créateur déboule à Paris à l’été 2014 avec son gang de mannequins castés dans la rue pour un premier défilé. La critique indé crie au génie face à ses silhouettes nineties inspirées de la street-culture russe des années post-URSS. La même année, son magazine Crimea/Kids, recueil de quatre-vingts clichés pris dans un skate-park moscovite, est en rupture de stock au bout de trois jours de vente au Dover Street Market, concept-store londonien de la maison Comme des garçons. Depuis le lancement de sa marque en 2008, chaque collection de prêt-à-porter est pensée comme un art total : le créateur dessine les vêtements, choisit les mannequins, prend les photos et met en scène ses créations dans des courts métrages.
“C’est pour ça que j’ai choisi la mode. J’aime créer différentes parties pour faire un tout. Pour moi, c’est un projet global. Le plus important, c’est de savoir ce qu’on veut dire au public.” Discret, poli, s’exprimant dans un anglais réfléchi, Gosha Rubchinskiy s’anime soudain quand il évoque son travail. Il a commencé la photographie dès l’adolescence, intrigué par la jeunesse qui l’entoure. “J’étais très timide et j’avais peu d’amis, se souvient-il. Je restais en retrait et regardais ce qui se passait autour de moi.” Il réalise ses premiers clichés avec “un appareil tout simple” puis, inscrit à l’université, prend des cours de photographie. Toujours avec cette obsession de la jeunesse cool. “C’est pour moi la chose la plus excitante en Russie. Tous mes amis et les gens intéressants que je connais sont jeunes, font du skate, de la musique, ont des projets créatifs… C’est vraiment ce qui m’inspire.”
A l’été 2011, Gosha est invité par la municipalité de Saint-Pétersbourg à participer à un atelier artistique à New Holland Island, nouveau projet culturel de la ville. “Tous les jours, de jeunes Russes venaient skater. Je les invitais au studio pour les interviewer et les prendre en photo. On en a fait un livre, puis un film, Transfiguration. ” S’il avoue désormais chercher l’inspiration dans “la vidéo, la musique, le graphisme”, il reste profondément attaché à la culture skate : “Quand tu es cool, tu fais du skate et tu fais de la musique. C’est dans la nature même de cette communauté.” Il cite de jeunes artistes rencontrés via les réseaux sociaux qui viennent ensuite travailler avec lui, comme Julian, vidéaste de 19 ans basé à San Diego, que Gosha invite via internet à shooter les backstages de ses défilés, ou encore les connaissances Instagram de ses amis de Moscou, qui finissent par participer au show parisien. Interrogé sur la formation de cet entourage particulier, le créateur laisse échapper un rare éclat de rire : “Quelqu’un d’intéressant fréquente des gens intéressants. En quelque sorte, si tu es cool, tu finis forcément par rencontrer Gosha un jour.”
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