À l’issue du Conseil des ministres de ce mercredi, et pour sa troisième intervention en quinze jours, François Hollande a pris la parole, en direct, sur la moralisation de la vie politique.
Une semaine après les aveux de Jérôme Cahuzac et alors que le suspense plane toujours sur son éventuel retour à l’Assemblée nationale, François Hollande, sur un ton très solennel, et depuis l’Elysée, chose rare sous son quinquennat, s’est adressé aux Français et à la presse pour essayer de mettre un terme à cette période désastreuse où même sa majorité et son gouvernement s’inquiètent à haute voix. François Hollande a présenté les grandes lignes du projet de loi qui sera examiné le 24 avril en Conseil des ministres et qui devrait être voté avant l’été.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Hollande ne souhaite pas le retour de Cahuzac à l’Assemblée
Dans son allocution, le chef de l’Etat a pris deux précautions. La première, celle de saluer le travail de la presse. La seconde, au moment où les déclarations de patrimoines se multiplient dans tous les sens et où la suspicion est grande contre les politique, de « ne pas s’acharner sur les élus », mais « du respect » et de la « compréhension » pour ceux qui passent « beaucoup de temps » et « sacrifient leur vies ». « Je le dis très clairement. La défaillance d’un homme ne doit pas jeter le discrédit, le soupçon sur les élus qui se dévouent pour le bien public sans en retirer le moindre avantage », a-t-il martelé en expliquant qu’il ne souhaitait pas voir revenir Jérôme Cahuzac à l’Assemblée. « Comment venir au parlement, là où un mensonge a été prononcé ? »
Ceci dit, François Hollande a annoncé que les règles qui régissent le patrimoine des responsables publics seront « entièrement revues » et qu’une Haute autorité « totalement indépendante contrôlera » les déclarations de patrimoine et d’intérêts des ministres, parlementaires, de certains grands élus et hauts fonctionnaires. « Cette autorité étudiera de manière approfondie la situation de chaque ministre avant et après sa nomination », a-t-il ajouté. Pour le moment, aucune indication n’a été donnée sur les personnalités qui pourraient siéger dans cette Haute autorité. Pourrait-elle englober des membres de la société civile, de tous les partis politiques, des retraites bien connus de la vie politique ? Motus…
Un système qui rappèle le modèle américain et qui chamboulerait la vie politique française. Il faudrait désormais du temps avant et après chaque remaniement. En tout cas, la proposition de François Hollande lui permet d’ouvrir la discussion, avant les consultations de Jean-Marc Ayrault, avec les présidents des groupes parlementaires dans les jours à venir, et lui permet de reprendre, au moins temporairement, la main.
Dès lundi, les déclarations de patrimoines rendues publiques
Il sera proposé d’étendre aussi, a expliqué le chef de l’Etat, « l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire avec l’exercice de certaines activités professionnelles pour prévenir tout conflit d’intérêts. » Les professions concernées seront « fixées par la loi », le Président se bornant à ne citer que le cas où un élu serait médecin. « Si l’on prend un exemple, un médecin peut soigner tout en étant parlementaire. Est ce qu’un médecin peut travailler dans un laboratoire qui aura fixé un certain nombre de règles ? Vous avez la réponse ». François Hollande n’a, en revanche, pas abordé le cas des parlementaires avocats, un cas très répandu. Quelle sera donc la liste précise des métiers rendus incompatibles avec la fonction de parlementaire notamment ? Il faudra attendre pour le savoir.
Par contre, certains ne pourront pas attendre. Dès lundi, les déclarations de patrimoine seront rendues publiques pour tous les membres du gouvernement, certains ayant déjà devancé l’impératif. Elle le seront pour les parlementaires une fois le projet de loi adopté.
La création d’un parquet financier
Deuxième grande annonce, le chef de l’Etat a annoncé la création d’un « parquet financier », c’est-à-dire d’un procureur spécialisé, avec une compétence nationale, qui pourra agir sur les affaires de corruption et de grandes fraudes fiscales. Un schéma, sur le modèle du parquet antiterroriste de Paris, dont la capacité d’action s’étend sur l’ensemble du territoire. Le parquet fiscal « conduira, coordonnera toutes les enquêtes sur ces graves infractions, ce qui aura le mérite, à la fois, de la concentration des moyens et de l’efficacité des procédures », a tranché François Hollande.
Dans le même sens, il également annoncé la création d’un office central de lutte contre la fraude et la corruption. Cet office « regroupera les moyens qui existent déjà au ministère de l’Intérieur, au ministère des Finances de façon à ce qu’il puisse y avoir, là encore, coordination, efficacité, mobilisation. Des outils de procédure exceptionnels comme d’investigation seront confiés à cet office ». Et attention aux élus qui se feraient prendre la main dans le pot de confiture : les sanctions en matière de fraude fiscale seront renforcées. Elles pourraient entraîner une inlégibilité temporaire voire définitive après condamnation.
Paradis fiscaux à éradiquer
Enfin, troisième grande orientation, la mobilisation pour « éradiquer » les paradis fiscaux « en Europe et dans le monde ». « Les banques devront rendre publique, chaque année, la liste de toutes leurs filiales dans le monde, pays par pays » et elles devront « publier la nature de leurs activités », afin qu’il ne leur soit « pas possible de dissimuler les transactions effectuées dans les paradis fiscaux ». La France, elle, établira une liste des paradis fiscaux et de plus, François Hollande appelle à un échange automatique d’informations avec les pays étrangers, pour connaître les avoirs détenus par les Français à l’étranger.
Enfin, sous pression de certains membres de ses ministres, comme Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon, qui avaient appelé dans la presse à la fin de la politique d’austérité, François Hollande en a profité pour remettre les points sur les i. « Aucun ministre ne peut remettre en cause la politique qui est conduite, qui n’est pas l’austérité », a-t-il lâché, défendant à nouveau la politique de « sérieux budgétaire » de son gouvernement. « C’est le sérieux qui permet la croissance ». Et d’ajouter : « Le sérieux c’est le cap, l’objectif c’est la croissance ». Pas sûr que ses ministres soient convaincus. En tout cas, l’opposition, elle, ne l’est pas. Juste après la déclaration du président, le chef de file du groupe UMP à l’Assemblée a répliqué en expliquant que François Hollande n’avait « toujours pas pris la mesure de ce qui se passe avec l’affaire Cahuzac ». Et d’insister : « l’opération de diversion continue », « les propositions de François Hollande ne sont pas du tout à la hauteur ».
Reste à savoir quelles seront les réactions de sa majorité dans les prochains jours et si ces propositions permettront à François Hollande de reprendre un peu d’oxygène. Et d’être entendues par les Français.
{"type":"Banniere-Basse"}