Créée et réalisée par une figure du cinéma mumblecore, Joe Swanberg, la nouvelle série de Netflix caresse l’intimité de quelques habitants de Chicago. Et confirme l’émergence des séries indé.
Alors que le mastodonte d’anticipation Westworld, ses millions dépensés, sa réflexion maousse sur le virtuel et le réel, vient d’arriver sur HBO(lire ci-contre), les huit épisodes menus et délicats d’Easy confirment le grand écart dont sont capables les séries en 2016. Il y a encore deux ans, l’expression “séries indépendantes” n’avait pas de sens, à cause de la nature historique de la relation entre les créateurs et leurs diffuseurs tout-puissants.
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Si l’indépendance ne représente toujours pas une réalité économique quand il faut s’adosser à Netflix – comme c’est le cas ici –, la culture a changé. On imagine sans mal les conversations entre Joe Swanberg, le créateur d’Easy, et les responsables du géant du streaming souhaitant satisfaire leurs abonnés urbains. Plutôt courtes. “Je m’occupe de tout, les gars, on se voit en salle de montage ? – OK. Amuse-toi bien.”
L’esprit du mumblecore
S’amuser avec une caméra, Joe Swanberg sait faire. Il a réalisé, en une douzaine d’années, plus de vingt longs métrages – dont Drinking Buddies, notamment, en 2013. A 35 ans, Swanberg est la figure proéminente du mumblecore, ce mouvement disparate de cinéastes américains ciblant des thématiques intimes et des méthodes de tournage largement fondées sur l’improvisation.
Malgré son format loin du cinéma – huit épisodes d’une trentaine de minutes chacun –, Easy répond aux mêmes critères et n’a rien d’une rupture dans le travail de l’homme de Chicago, inspiré par des figures aussi éloignées entre elles que Lars von Trier et Eric Rohmer.
Swanberg l’a confirmé au site Indiewire : “Pour chaque épisode, nous avions deux ou trois pages écrites, avec quelques notes sur les décors et peut-être, en une phrase, la description d’une scène ou quelque chose comme ça. Ce qui était de toute façon amené à changer en cours de tournage.”
Contes moraux miniatures
Ce “quelque chose comme ça” fait tout le prix d’Easy, qui ne fleure jamais l’amateurisme mais détonne par sa fraîcheur et sa fluidité lumineuse. Le format anthologique permet de mettre en place à chaque épisode une histoire singulière. Quelques ponts se créent au fil de la saison, mais la plupart du temps, nous découvrons de nouveaux personnages.
Au programme de ces contes moraux miniatures, on trouve en majorité des situations conjugales (un couple hétéro en panne de désir, un couple lesbien qui vient de se former, etc.) ainsi que des problématiques autour de l’art, de la création et du genre. La touche Swanberg consiste à plaquer méticuleusement des morceaux de fiction sur de la sociologie, jusqu’à ce qu’ils finissent par prendre toute la place.
Le prodigieux épisode 4, où un couple cherche à faire un enfant, souligne le profond doute d’une femme et ses ambiguïtés sentimentales à travers quelques scènes faussement anodines. L’incroyable épisode 7 évoque une séparation qui traîne en longueur avant de décoller grâce à un dernier plan sidérant.
Des destins qui palpitent
Il y a chez Joe Swanberg une manière d’observer le désordre des sentiments et du monde avant de faire mine d’y mettre de l’ordre… puis de proposer une résolution en forme d’épilogue pacifié, mais souvent indécidable. Son art du récit impressionne d’autant plus.
Comme dans la toute récente High Maintenance, dont elle est une sorte de cousine un peu plus structurée, Easy parvient à faire palpiter une poignée de destins sans céder à l’obligation sérielle de façonner des biographies ou des motivations aux personnages. Cela aurait tendance à prouver que l’attachement n’attend pas le nombre des épisodes. Une manière bienvenue de bousculer nos certitudes de spectateur.
Easy sur Netflix
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