Désigner Sean Penn président du jury du prochain Festival de Cannes est un choix peu discutable, tant par la notoriété, le travail et l’image de l’élu que par sa triple casquette : Penn est un acteur de premier plan, un cinéaste porté par un vrai désir et un citoyen très engagé. Une erreur malencontreuse nous […]
Désigner Sean Penn président du jury du prochain Festival de Cannes est un choix peu discutable, tant par la notoriété, le travail et l’image de l’élu que par sa triple casquette : Penn est un acteur de premier plan, un cinéaste porté par un vrai désir et un citoyen très engagé. Une erreur malencontreuse nous a fait zapper la chronique que nous aurions dû consacrer à son nouveau film, Into the Wild. Fondé sur un sujet fascinant, porté par une envie palpable de retrouver le geste du cinéma américain des années 70 et de se démarquer des formules hollywoodiennes actuelles, ce projet ambitieux et respectable ne manque pas de souffle mais souffre aussi des petits défauts habituels du cinéaste : risque du décoratif, solennité et tendance à trop souligner ses intentions. A bien y réfléchir, la casquette cinéaste de Sean Penn n’est pas sa plus passionnante, et il n’a jamais transformé de manière indiscutable l’essai prometteur de The Indian Runner (où Viggo Mortensen donnait sa première performance marquante). Son engagement politique est par contre notable, par sa radicalité, son panache et son implication personnelle. Sean Penn ne se contente pas de dire publiquement qu’il est contre la guerre en Irak, comme la majorité de la communauté artistique et hollywoodienne de sensibilité démocrate, il s’investit jusqu’à aller lui-même en Irak pour réaliser un reportage not embedded, et il est du genre à sortir des milliers de dollars de sa poche pour se payer des pleines pages de dénonciation de la politique de Bush dans les journaux américains. Quand Sean Penn s’engage, ce n’est pas a minima, mais selon la méthode d’investissement total de l’Actors Studio. Ce qui nous rappelle que Sean Penn est avant tout un acteur et que cette casquette-là est sa plus prolifique, sa plus productive, sa plus diverse. Une belle tête légèrement canaille, un corps et une voix combinant une forte présence physique, un jeu d’une grande plasticité lui permettent de tout jouer : les soldats (Outrages, La Ligne rouge), les prolos (Mystic River), les avocats yuppies (L’Impasse), les flics (Colors) ou les condamnés à mort (La Dernière Marche). Dans la famille des grands acteurs américains emblématiques, Sean Penn est donc essentiellement le premier héritier de la génération De Niro/Pacino, avec une touche Warren Beatty/Tim Robbins pour l’engagement politique. Et comme tous ces modèles, il a fini par passer derrière la caméra pour parachever sa panoplie d’expression. C’est donc un homme-cinéma total et de haute lignée qui présidera le jury cannois, mais attention !, l’histoire du Festival nous montre que les grands présidents n’accouchent pas forcément de grands palmarès. A l’ex-mari de Madonna de faire mentir cet augure. Bienvenue à Cannes, citizen Penn !
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