Entre Castafiore et tête brûlée, cette troublante lituanienne chante en couleurs : critique et écoute.
La Lituanie n’a rien d’idéal pour lancer une carrière. Culturellement, linguistiquement, géographiquement enclavé, on a plus chance de finir fossilisé dans la tourbe grise de cette petite république balte que d’accéder un jour à la notoriété. Mais n’était ce pas ce même sentiment d’enlisement qu’inspirait de loin l’Islande avant qu’une certaine Björk n’en fasse fondre la banquise ?
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Originaire de Visaginas, près de la frontière biélorusse, Alina Orlova, 23 ans, est l’une de ces chanteuses perce-neiges dont le soprano, joli mélange d’obstination et de surnaturel, semble chercher la lumière à travers les glaces de l’ennui et l’épais brouillard de l’anonymat. Son premier album, Laukinis Suo Dingo, révélait en 2008 la fusion d’un caractère de feu, raccord avec sa chevelure poil de carotte, et d’une poétique du spleen où piano et accordéon menaient le bal.
Sous le charme, beaucoup se laissèrent entraîner par le vertige minimaliste de ses ritournelles au point de passer outre le sens impénétrable de paroles interprétées en lituanien. Car au fond, quelle importance la langue que chantent les oiseaux ? Ici Alina ajoute à son registre l’anglais et le russe alors que Mutabor va bien plus loin dans l’exploration d’un imaginaire où la sauvageonne interroge encore les confins de l’enfance et de l’âge adulte, visite les frontières du genre féminin, tente de conserver cet équilibre instable entre maîtrise et spontanéité.
Plus orchestré, l’album propose une extension exquise de cette pop septentrionale qui des Cocteau Twins à Sígur Ros conjugue mélodies éthérées et guitares de cristal (Silkas, Vaikelis). Alina s’offre aussi en nièce de Kate Bush époque elfe des forêts, nymphe des étangs (Bobby) ou, seule au piano, en Alicia Keys de mer Baltique (Stars), voire en torch singer de cabaret slave (Cudesa). Peintre confirmée, elle miroite ainsi tout au long d’un album réussi où se déplient ses paysages intérieurs, bien moins monotones sans doute que ceux qui l’entourent.
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