Rusé et démagogue, un album de pop emphatique
fait de dizaines d’albums de pop. Critique et écoute.
En Angleterre, on les appelle le KKK : trois groupes sur lequels l’industrie – notamment celle, lourde, des festivals – avait parié qu’ils deviendraient des monstres de stades faisant claquer les drapeaux au vent et beugler en chorale instable les mâles houblonnés. Aucun des trois n’a atteint le statut escompté par ces businessplans machiavéliques – Coldplay ou U2 restent, comme l’a prouvé le récent Glastonbury, les valeurs refuges de ces kermesses – mais The Kooks, Kasabian et Kaiser Chiefs ne sont pas à l’abri du tube qui les propulserait dans cette Premier League aux revenus vertigineux.
Les trois, en quelques mois, reviennent d’ailleurs avec un appétit rabelaisien : album poplum pour Kasabian, songwriting appliqué et abondant chez The Kooks et leçon d’histoire anglaise chez Kaiser Chiefs. Au départ, avant cette sortie physique de treize titres, les fans pouvaient déjà eux-mêmes bâtir leur album, en achetant dix titres parmi les vingt téléchargements proposés (pour une douzaine d’euros, pochette personnalisée comprise). Nouvelle technique de commercialisation rusée pour gruger un peu les charts, mais qui aurait mérité une offre plus plantureuse : on doute même que certaines chansons, faces Z plutôt que faces B, aient à l’arrivée trouvé preneur au-delà du cercle des fans hardcore.
Compacté pour The Future Is Medieval, ce catalogue se resserre autour des fondamentaux anglais, voire anglocentriques : des Beatles à Madness, de Bowie (ou est-ce Gary Numan, sa version Findus ?) à Pink Floyd, le futur est effectivement ici histoire de passé. On dit que c’est à sa façon d’accomoder les restes qu’on reconnaît un grand chef : à cet exercice, les Kaiser Chiefs ne créent rien de neuf, mais recyclent avec une malice et un entrain communicatifs des pans entiers d’une histoire qui ne se croisaient pas avant ces chansonscollages.
Bien sûr, les recettes virent un peu, après quatre albums, au fast-food mais il reste ici, entre deux ragoûts peu ragoûtants et trois chansons graillons, de vraies trouvailles de pop populaire, voire démagogique (Child of the Jago, When All Is Quiet, Dead or in Serious Trouble) qui, une fois encore, feront merveille sur scène – là où le cynisme du rock-critic se dissout dans la transpiration.