Rendez-vous incontournable des professionnels et des curieux, le festival allemand invitait du 21 au 24 septembre de jeunes promesses internationales et décernait pour la première fois un prix découverte remis par le producteur historique de Bowie, Tony Visconti.
Le festival Reeperbahn à Hambourg montre d’année en année sa capacité à s’imposer comme l’un des rendez-vous incontournables pour les professionnels de la musique. Une manifestation qui a même tendance à concurrencer Eurosonic Noordeslag aux Pays Bas, pourtant véritable référence en la matière. Pour cette 11ème édition, les concerts se sont déroulés – comme pour les précédentes années – dans une myriade de petits clubs dont quelques-uns ont révélé et déniaisé les Beatles ( Indra Club – Kaiserkeller ).
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Nos coups de coeur de cette 11ème édition
Parmi les groupes qui auront marqué la semaine : les anglais de Shame. Après plusieurs douches à la bière, le chanteur londonien Eddy Green, torse nu, très stoogien dans l’attitude – les abdos en moins – a hypnotisé le public par son animalité et ses faux airs de hooligan aviné. Dégoulinant, il a passé de longues minutes à triturer l’intérieur de son slip avec son micro pour finir par le gober goulûment avec une passion rarement constatée par un public médusé. Il a ensuite tenté, avec moins de succès, d’embrasser à pleine bouche 60% du public féminin tout en assurant un rock brut que seul l’ADN britannique peut rendre crédible. Sans conteste LA grande découverte du festival.
Autre salle, autre ambiance. Un peu à l’écart de Reeperbahn, certains concerts se déroulent dans le Flakturm IV de Hambourg. Datant de la seconde guerre mondiale, ces immenses blockhaus servaient de défense anti-aérienne pour les nazis. Celui de Hambourg a été entièrement réhabilité et abrite désormais deux salles de concerts. Warhaus (nom de groupe de circonstance) est programmé au 4ème étage de ce monstre de béton. C’est le nouveau projet du chanteur belge de Balthazar, Maarten Devoldere. Le groupe en impose tout de suite dans une esthétique très Léonard Cohen.
Juste derrière, un étage au-dessus c’est Jaguar Ma qui entre sur scène. Un endroit parfait pour découvrir les morceaux du nouveau disque des Australiens, eux-mêmes impressionnés par l’atmosphère du lieu.
Coté français, 21 groupes ou artistes étaient présents. Un record. De Jeanne Added à Acid Arab, en passant par Camp Claude ou Louane. Il faut dire que le marché du disque allemand demeure le 4ème au monde. Information reçue cinq sur cinq pas les labels et tourneurs européens.
Le prix Anchor Award 2016 décerné par le producteur Tony Visconti
Pour la première fois cette année, le festival décernait l’Anchor Award parmi les 400 groupes et artistes de la programmation de cette édition 2016. Un prix international remis au songwriter suédois Albin Lee Meldau par le Président du jury Tony Visconti. Le producteur légendaire de David Bowie lui trouve des airs de Tim Buckley. Tony, discret depuis la mort de son ami avoue être heureux d’être à Reeperbahn : Pour moi, être ici dans ce quartier légendaire de Reeperbahn c’est génial ! Voir l’industrie du sexe et la musique côte à côte c’est bizarre mais j’adore ça ! confie-t-il. Celui qui a signé la trilogie berlinoise de Bowie n’est d’ailleurs venu que deux fois à Hambourg. Fan ultime de Georges Martin (producteur des Beatles, souvent appelé le « cinquième Beatles »), Tony marche dans les pas des Fab Four :
C’est en écoutant Georges Martin et les Beatles que j’ai voulu consacrer ma vie à la production. J’entendais chez eux des choses qu’on ne pouvait pas reproduire en live. Il fallait que je comprenne et que j’en sache plus sur cette magie. L’album Revolver a changé ma vie ! Je vais vous raconter un petit secret que désormais tout le monde va savoir, j’ai écouté Revolver sous LSD… Bon tout le monde faisait ça à l’époque. Mais je pouvais y percevoir des choses que je n’avais jamais écoutées auparavant chez d’autres artistes. Et lorsque l’effet du LSD s’est estompé et que j’ai réécouté Revolver, j’entendais toujours ces sons. Je me suis prouvé que je pouvais non pas remplacer Georges Martin -car c’est mon idole -mais faire comme lui.
Tony Visconti, sans doute en confiance, évoque soudainement et peut-être pour la première fois, son travail avec Bowie depuis sa disparition :
Il y a 3 albums qui se détachent dans ma carrière et j’aimerais un jour qu’on se souvienne de moi à travers eux. Le premier c’est The Man who Sold the World, le deuxième c’est Scary Monsters et enfin il y a Blackstar. Je suis si fier de la production de ce dernier album. David et moi avons travaillé comme des frères sur ce disque. Pour moi, Blackstar est un chef d’œuvre. Nous avons fait des choses sur ce disque qu’on n’avait jamais faites auparavant. C’est la chose la plus intéressante que j’aie faite dans ma vie. Ça a pris du temps mais je n’avais qu’une envie à cette époque : me rendre au studio pour travailler.
Et lorsqu’on lui demande s’il peut le réécouter il confie :
Je trouve ça trop dur… mais je l’ai tout de même écouté dix fois depuis que David Bowie est mort. A chaque fois qu’ils sortent un vinyle, je dois faire des contrôles de qualité du son et à chaque fois que je l’écoute, je suis toujours très très ému. C’est très dur de n’écouter que la qualité du son. C’est un album magnifique, (pause) magnifique ! (très ému) C’est probablement les plus belles voix que David Bowie ait jamais faites…
Matthieu Culleron
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