La reformation de Pavement bouclée, Stephen Malkmus revient
avec un nouvel album, produit par Beck. Cool et à la coule. Critique et écoute.
Fin de journée promo. Le héros discret du rock US suburbain et slacker marmonne plus qu’il ne disserte. Mollement allongé sur un canapé, des containers sous ses yeux las, Stephen Malkmus est venu présenter un nouvel album enregistré avec ses Jicks, Mirror Traffic. Le premier à venir après le récent retour scénique de son légendaire groupe Pavement. “Ça ne m’a pas vraiment bouleversé. Ça ne m’a rien enlevé sur le plan créatif, ça m’a peu engagé sur celui des émotions : c’était génial, mais on jouait juste de vieilles chansons avec un vieux groupe, un peu en automatique.”
Etrange : une ferme impression de lassitude imprègne le discours d’un type comme devenu fonctionnaire de sa propre légende. “La musique est vitale pour moi, oui, mais aussi parce que je suis un mari et un parent : je suis l’homme qui paie les factures. Je réalise que ce que je fais est sans doute moins excitant pour les gamins. Ils sont passés à autre chose, chaque génération a ses héros, et ce n’est plus mon tour d’être les Arctic Monkeys. On fait ça pour nous-mêmes et pour nos fans. Et j’aime créer, la liberté, la palette de possibilités qu’offre l’écriture.”
Nouvelle, la palette ? Mouais. Le fan transi de Malkmus, celui pour qui Pavement est en soi le panthéon de l’indie-rock US, celle qui n’a pas changé de Converse depuis 1994, le fan qui connaît par coeur ses précédents albums solo (Real Emotional Trash en 2008, notamment), ne risque que rarement le sursaut de la surprise à l’écoute de Mirror Traffic. Malkmus, 45 ans, a certes désormais un poil de renard argenté, mais son écriture, sa voix en glissades traînantes, ses distorsions de cordes et ses guitares branlantes, elles, n’ont pas vieilli. Et très peu changé, comme vitrifiées : l’Américain revisite, à jamais, son propre âge d’or. Le recrutement de Beck, aux manettes plutôt discrètes d’un album enregistré en quatre jours (de 1991 ? de 1996 ? de 2001 ?), parachève d’ailleurs ce sentiment de vase historique clos.
“Une femme de 48 ans devrait éviter de porter des minijupes. Je pense qu’il y a une étape juste à chaque moment de la vie. A mon âge, je dois éviter de chanter des trucs punk… Pour Mirror Traffic, j’ai essayé de jouer sur ce que je sais bien faire et sur ce que les gens peuvent attendre de moi. C’est aussi pop que possible – ma propre version de la pop.” Soit des sub-chansons de Pavement, mais de fameux titres des Jicks, avec un peu moins de solos et un peu plus de mélodies que précédemment, et toujours beaucoup de cassures, d’incongruités soudaines, de bizarreries structurelles. On y repère même quelques petits titres plutôt malins : Senator, Tigers, Forever 28, tiens tiens, les belles No One Is (As I Are Be) et Gorgeous George. Un album au regard rivé sur le rétroviseur : par bonheur, les reflets du passé ont encore quelques jolis restes.