Quand on s’appelle Louise Attaque, qu’on est à la fois le groupe de rock le plus vendeur de l’histoire du rock français et l’un de ses plus intransigeants rigoristes, on ne se reforme pas par hasard, pour fuir le dés’uvrement, pour payer quelques arriérés d’impôts ou par douteuse nostalgie des années ados. D’abord parce que […]
Quand on s’appelle Louise Attaque, qu’on est à la fois le groupe de rock le plus vendeur de l’histoire du rock français et l’un de ses plus intransigeants rigoristes, on ne se reforme pas par hasard, pour fuir le dés’uvrement, pour payer quelques arriérés d’impôts ou par douteuse nostalgie des années ados. D’abord parce que Louise Attaque n’a jamais été jeune, entré en musiques à l’âge où beaucoup s’en débarrassent, pour passer à des choses plus sérieuses et adultes.
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Car Louise Attaque, alors que triompha en 1997, en dépit de tout, son premier album, n’était plus, depuis belle lurette, un de ces groupes gommeux qui entretiennent à force de tournées des vestiges de naïveté, d’irresponsabilité : en additionnant, le groupe aligne alors un affolant bac + 19 ? un sacré coup dur pour une mythologie du rock en France qui a toujours encouragé la mentalité de dernier de la classe. On ne la fait donc pas à Louise Attaque, monstre bi-bicéphale qui, en se posant sans doute beaucoup trop de questions, en s’imposant parfois des dogmes suffocants, a au moins eu le mérite constant de s’autoanalyser sans pincettes, repoussant ainsi toute forme de routine, de facilité.
Un second album inquiet et mal dans sa peau, le toujours passionnant Comme on a dit (2000), confirmera l’incapacité de ces quatre garçons à devenir les esclaves d’un son et d’une recette pourtant plébiscités par la France d’en bas, d’en haut et du milieu. Mais la ténacité des questionnements et une rigueur infatigable finiront fatalement par épuiser les hommes et le désirs : chez Louise, pour caricaturer, il y aura divorce entre la tête (Gaëtan Roussel et Arnaud Samuel, pour la belle austérité de Tarmac) et les jambes (l’escapade psychébordélique de Robin Feix et Alexandre Margraff sous le nom d’Ali Dragon).
Tous ces organes, vitaux mais pour certains malmenés sur Comme on a dit (disque plus solennel que charnel), retrouvent les vertus du dialogue et des équilibres, sur A plus tard crocodile. « Peut on rester débutant ? » demande Gaëtan en début, léger, presque badin, d’album. Et effectivement, Louise Attaque a ici oublié les millions de disques vendus, les pressions de l’industrie, la démesure de son triomphe : les gestes sont ceux, frais et ingénus, de débutants, de joueurs. Nettement plus coulant, nonchalant même dans les rythmes, la production, les sons ou le chant, Louise Attaque n’a jamais évolué aussi loin de l’anxiété, Gaëtan totalement débarrassé de cette boule de frustration qui éraillait son chant.
Car Louise Attaque n’est plus dans la réaction, mais dans la simple action, dans le plaisir nu, cantonnant les boursouflures ou insignifiances au tolérable (la série Oui, Non ou A L’envers). Du coup, avec une légèreté et une placidité inédites, Louise Attaque ose ici quelques-unes de ses chansons les plus informelles et passionnantes (Salomé, Ça m aurait plu ou See You Later Alligator). En refusant de se séparer définitivement sous la pression, mais aussi en excluant de s’accrocher aux branches coûte que coûte, les Parisiens offrent ici aux groupes dans la tornade une troisième voie, une cinglante leçon de survie. Cinq années de vacances, dont Louise Attaque revient bronzée, reposée et mutine. Là-bas, elle a dû rencontrer quelqu’un.
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