Asphyxie des océans ou stratégie d’adaptation des organismes marins aux déchets plastiques ? Ce méticuleux documentaire scientifique amorce quelques réponses.
Coutumière des émissions scientifiques sur l’écologie, Arte revient à l’un de ses chevaux de bataille : les dangers du plastique. Ce documentaire remarquablement agencé rebondit de question en question, explorant pas à pas le sujet suggéré par le titre : la disparition du plastique des océans.
Car contrairement aux idées reçues et évidentes, les déchets plastiques (sacs, emballages, etc.) n’envahissent pas la mer, mais semblent s’évaporer. D’après les études et les calculs, 99 % des résidus de ce produit universel restent introuvables dans les océans. Evidemment, ce n’est qu’un leurre. La planète ne se dépollue pas magiquement à toute allure. Le plastique est toujours là, mais de façon de plus en plus sournoise. D’abord, au fond des mers, et notamment dans les anfractuosités, les failles, où les bouteilles plastique par exemple sont protégées des courants, du soleil et de tout ce qui peut accélérer leur destruction.
Ensuite, sous forme de micro-particules ; non seulement le plastique de la surface se fractionne et se pulvérise graduellement, mais certaines bactéries vont jusqu’à l’ingérer, le digérer et le transformer. D’ailleurs elles ne sont pas les seules à en manger. Si dans ce documentaire n’est pas directement question de la manière dont les humains peuvent trouver, au bout de la chaîne alimentaire, des bribes microscopiques de plastique dans leur assiette, il est clair, d’après les études présentées dans le film, que la faune marine, elle, en ingurgite.
Le toxique “effet cocktail”
Après, les avis divergent. Pour Chelsea Rochman, écotoxicologue américaine, non seulement les poissons et autres mollusques avalent des particules de ce dérivé du pétrole, mais celui-ci est constitué de polluants chimiques, qui ont tendance à se recombiner de façon encore plus toxique – ce qu’on appelle “l’effet cocktail” – dans les organismes. En revanche, selon un autre écotoxicologue, Colin Janssen, de l’université de Gand (Belgique), le pourcentage de ces corps étrangers présents dans le poisson serait inférieur aux normes sanitaires de l’OMS. Pour prouver leur innocuité, Janssen s’envoie gaillardement une plâtrée de moules-frites devant la caméra (les mollusques étant théoriquement les plus pollués).
Un autre problème lié à ces micro-plastiques marins est qu’ils deviennent des radeaux pour les bactéries. Ils peuvent convoyer des espèces dangereuses partout sur la planète, et véhiculer des agents pathogènes, des maladies (on cite comme exemple le choléra). Tout cela résultant bien sûr de la croissance exponentielle des industries, qui va finir par se retourner contre nous.
Pourtant, on entrevoit un mince espoir : à condition de réduire les déchets plastiques (ce qui n’est pas gagné), on peut espérer qu’une partie sera engloutie par des bactéries voraces. Mais il ne faut pas trop rêver. Et, comme le souligne une autre scientifique américaine, Kara Lavender Law, de la Sea Education Association, les recherches dans ce domaine en sont encore à leurs balbutiements. En attendant on continue, même involontairement, à déverser des montagnes de gobelets et de sacs plastiques dans les mers…
Océans, le mystère plastique, documentaire de Vincent Perazio, samedi 17 septembre, 22 h 20 Arte