Deux inconnus découvrent par hasard deux cadavres et des dizaines de kilos de cocaïne, et tout vole en éclats.
Superficiellement, on pourrait comparer Boat Story à Broadchurch, ce classique british des années 2010 où un cadavre d’enfant découvert sur une plage faisait démarrer un thriller sur le mensonge et l’impossibilité de s’aimer, au sein d’une petite communauté côtière. Ici, un homme et une femme se promènent avec leurs chiens au bord de la mer et tombent sur un bateau échoué, avec à l’intérieur deux hommes morts et un immense paquet de cocaïne, du genre qui peut changer la vie.
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Janet (Daisy Haggard) et Samuel (Paterson Joseph) ne se connaissent pas, mais prennent ensemble la décision la plus importante depuis leur naissance : garder la poudre, coûte que coûte, la revendre, et voir ce qui se passera. On ne vous fait pas un dessin, les conséquences seront plutôt folles.
Tarantinesque
Contrairement à son aînée, qui s’inspirait des thrillers nordiques dans une atmosphère souvent glauque, Boat Story s’amuse beaucoup, même dans la violence radicale – tarantinesque, pourrait-on dire, sans la même profusion stylistique.
La série ne fait même que cela, s’amuser, dans les pas de ses protagonistes – pas si loin des Pieds nickelés –, à qui s’ajoutent un truand sanguinaire assez chic joué par Tchéky Karyo, son homme de main à la mélancolie latente qui rêve de poterie, ou encore un flic déclassé mais motivé prénommé Ben, un beau personnage de fils à maman solitaire et en surpoids que personne ne regarde, le seul qui, pourtant, prend le temps de laisser venir la vie à lui pour se construire. Des références à la grande pièce de Samuel Beckett, En attendant Godot, un chef-d’œuvre de contemplation active, viennent éclairer le destin de cet homme qui passe, le temps de six épisodes, d’invisible à essentiel.
De la comédie sociale au polar
On vous parle de lui, mais on devrait quand même vous parler des autres, les vrais personnages centraux, qu’on aime bien aussi. Ce sont de vrai·es blessé·es de l’existence – l’une s’est coupé une main en travaillant, l’autre a perdu sa maison en jouant –, lancé·es dans une course effrénée pour trouver un sens à leur connerie et même essayer de la rattraper. Les créateurs de la série, les frères Harry et Jack Williams, savent façonner des caractères en un clin d’œil et les faire évoluer au sein d’une toile fictionnelle assez complexe, qui passe de manière très fluide de la comédie sociale au polar. La série avance souvent en mode “meta” – une pièce de théâtre commente l’action, une voix off presque satirique surplombe le récit –, avec comme limite un côté petit malin qui suinte à intervalles réguliers. C’est le souci des récits post-frères Coen, voire, si l’on descend d’une division, influencés par Guy Ritchie, que de se perdre parfois dans la contemplation de leurs effets.
Reste que Boat Story accompagne sans déplaisir une saison sérielle un peu morne – mise à part The Bear, qui arrive à grandes enjambées – et peut se targuer de réfléchir à un vrai sujet, philosophique, qu’on appellera l’ironie du sort. Ce qui dans la vie, semble plus ou moins tomber du ciel par hasard. Ce qu’on en fait, qui vient parfois de loin, et peut nous frapper comme un boomerang. Les bonnes séries aident à comprendre pourquoi on déconne et comment s’en sortir, ce qui ne fait jamais de mal. Boat Story, malgré ses limites, en fait partie.
Boat Story de Harry Williams et Jack Williams avec Daisy Haggard, Paterson Joseph, Michele Austin sur Canal Plus et MyCanal.
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