Dans « Le bonheur en politique », le journaliste Jérémy Collado a cherché à mieux connaître les détenteurs du pouvoir en leur demandant les clés de leur bonheur
Comment font les politiques pour être heureux tout en travaillant à notre bonheur ? Dans Le bonheur en politique, le journaliste Jérémy Collado a recueilli les confessions de celles et ceux qui nous gouvernent à propos d’ « un tabou français« . En effet, « comment parler du bonheur à des politiques alors que la France sombre?« . Il a cherché à savoir pourquoi ils avaient choisi cette voie et « si leur carrière, leur vie, leurs sacrifices les rendaient heureux”.
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L’auteur s’est intéressé à 24 personnalités, aux obédiences politiques variées, qu’il a tenté d’analyser par le prisme du bonheur. Bribes de vies, souvenirs et passages philosophiques s’y entremêlent formant des portraits parfois creux, parfois touchants et souvent révélateurs. L’auteur livre un récit de leurs blessures, leur parcours, leurs rapports aux autres, leurs espérances… Un grand mélange, multiple, comme les éléments nécessaires à la félicité.
On y apprend notamment que Bruno Le Maire, Jean-Luc Mélenchon et François Bayrou sont les plus névrosés mais aussi les plus intelligents selon l’auteur du livre, dont le père était lui aussi homme politique. On regrette tout de même qu’il n’ait pas pu s’entretenir avec certaines personnalités comme Marine Le Pen ou Nicolas Sarkozy, remplaçant leurs visions du bonheur par son analyse, qui vise à montrer une « image plus humaine, plus sensible de ces hommes et de ces femmes auxquels on attribue tous les maux de notre pays. Et qui tiennent entre leurs mains une part de notre… bonheur collectif.”
Roselyne Bachelot
Lors de son entretien avec Jérémy Collado dans son appartement du 15e arrondissement « aux teints beige et vert, ambiance surannée« , l’ancienne ministre évoque la difficulté de se réaliser dans le monde professionnel. Particulièrement en politique, et encore plus lorsque l’on est une femme. Sa recette du bonheur ? Le détachement. Elle se protège et sait que ce n’est pas uniquement de l’exercice du pouvoir dont dépend son bonheur:
“Les femmes, du fait des discriminations qu’elles ont subies, ont toujours une appréhension de la vie pluridisciplinaire. un homme reste dans son domaine et se réalise pleinement dans une dimension, le travail par exemple. Les femmes ont sans doute une aptitude au bonheur plus polymorphe”.
François Hollande
“Un père qui l’ignore, une mère qui l’adore. Et une ambition immense de faire de la politique pour mieux tuer le père”. François Hollande connaît une enfance “heureuse et banale, comme celle que l’on vit en province”. Il est comparé à “un galet” par son ami François Rebsamen, tout glisse sur lui. Même le bonheur ? “Discuter de son bonheur ? C’est impensable: il est président de la République. Et n’exprime jamais ses sentiments”. Son image de président normal et impassible vole pourtant en éclat lors de l’affaire Gayet.
« Pendant plusieurs mois, François Hollande a tenté de défendre une pudeur qui avait quitté la fonction depuis que Nicolas Sarkozy avait fait crisser les graviers de l’Elysée (…) ce président ne nous ennuyait pas avec son bonheur (…) Mais c’est avant (…) qu’il ne choisissent son bonheur plutôt que sa sécurité. Avant qu’il ne s’engouffre dans un appartement pour déguster des croissants avec une actrice et, ainsi, rompre avec la belle image qu’il s’était jusqu’ici forgé (…) Il choisissait un bonheur normal pour un président qui ne l’était plus« .
Nadine Morano
« On ne sort jamais indemne d’une discussion avec Nadine Morano« . Pour Jérémy Collado, le plus grand bonheur de Nadine Morano a été de se rendre compte « qu’elle peut grimper (en politique) rien qu’en demandant des rendez-vous« . Ce qu’elle a fait avec Charles Pasqua afin d’obtenir une photo avec lui, alors qu’elle se présentait à ses premières cantonales en 1998. « Morano a un côté ravie de la crèche » et cela se traduit par des bonheurs simples.
« (…) elle se met en scène, pinceaux à la main, pour repeindre une pièce de blanc immaculé . Problème:ses mains le sont aussi, immaculées. Sur Instagram, elle écrit: ‘Petite fille de maçon italien, j’ai toujours eu un goût prononcé pour le bricolage. Un coup de peinture, changement de décor, comme une nouvelle page de la vie. Pinceaux, bonne humeur, sandwich. Des instants simples de bonheur en famille’« .
Jean-Luc Mélenchon
« Parler du bonheur avec lui, c’est d’emblée choisir l’angle de la philosophie » avoue l’auteur. Secret quant à sa vie privée, Jean-Luc Mélenchon est décrit comme « sensible, intelligent, raffiné« . Plus intellectuel que politique, l’homme né à Tanger à pour ambition de se « réaliser en tant qu’homme » et d’être « soi-même » plutôt que d’enchaîner vainement les conquêtes électorales jusqu’au pouvoir suprême.
« Je dis parfois que pour moi, le bonheur, ce serait de ne plus m’entendre. Vous ne savez pas ce que c’est que de s’entendre parler toute la journée et encore à la télévision, à la radio. Vous, vous pouvez passer à autre chose même si vous aimez beaucoup Mélenchon! Mais pas moi!«
François Bayrou
« Il soutient Alain Juppé dans la primaire, son ami girondin (…) Même si, en secret, Bayrou pense à une quatrième candidature, une fois que Juppé aura perdu la primaire. Il semble presque l’espérer« . Selon Jérémy Collado, il serait un homme heureux de faire de la politique. Se retirer de la vie publique ? « C’est comme si je disais que j’arrêtais d’être le père de mes enfants, impossible« .
« J’ai toujours eu le sentiment que la vie était fragile, menacée par la mort. Ça n’a pas manqué: mon père s’est tué dans un accident du travail, il y a plus de quarante ans maintenant. J’ai toujours été marqué par cette précarité-là. J’ai toujours pris la vie en riant, parce que je n’avais peur de rien, et au sérieux en même temps. Donc dans un mélange de joie de vivre et de gravité.«
Jérémy Collado, Le bonheur en politique, François Bourin, 2016.
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