Rendez-nous notre temps d’écoute ! Écrire sur la musique nécessite une immersion qui ne se satisfera jamais d’instantané.
Dans le jargon journalistique, une information sous embargo est envoyée en amont, sans pouvoir être diffusée avant une date précise. Chez les artistes, et particulièrement chez les stars internationales, mais aussi dans le rap, une mode de plus en plus répandue consiste à ne pas dévoiler aux journalistes leur disque avant la date de sortie officielle, le vendredi à minuit sur les plateformes, et quelques heures après chez les disquaires.
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Rester dans la course
Ces dernières semaines, le cas s’est posé successivement avec les nouveaux albums de Beyoncé, Taylor Swift, Dua Lipa, Billie Eilish, Shellac (mais c’était une pratique éprouvée chez le regretté Steve Albini) et Charli XCX – excusez du peu pour le casting et l’embouteillage XXL. Certes, la pratique n’est pas nouvelle en 2024, mais elle devient désormais monnaie courante et complique sérieusement le travail journalistique.
Car le temps d’écoutes répétées et de maturation d’une œuvre s’acclimate mal de l’urgence de livrer une chronique le jour J. Pourtant, un avis à chaud ne vaudra jamais une réflexion à froid. D’autant qu’il nous est parfois arrivé de changer d’avis – dans le bon, comme dans le mauvais sens – sur un album à force de l’écouter, sinon de l’apprivoiser.
Des surprises plus très surprenantes
Mais à l’heure où les artistes sont devenu·es leurs propres médias, notamment à travers les réseaux sociaux, il n’est pas étonnant de les voir court-circuiter toute intermédiation. Dans une course effrénée à l’instantanéité et à l’exclusivité toute relative, nous voici (mal) logé·es à la même enseigne. Et on ne voit pas comment cet embargo artistique, de plus en plus fréquent, pourrait se raréfier.
On imagine déjà que le prochain et dixième album de Lana Del Rey, Lasso, ne se dévoilera qu’à minuit le jour de sa sortie, avec peut-être quelques chansons interprétées en avant-première le 21 août à Rock en Seine. Surtout avec une artiste comme elle, qui n’en a toujours fait qu’à sa tête, et dont on attend qu’elle lève peut-être la règle de l’embargo total. On peut toujours rêver…
Édito initialement paru dans la newsletter Musiques du 5 juillet 2024. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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