L’artiste d’origine pakistanaise, installée à Brooklyn, télescope les pratiques et les genres, les citations et l’expérimentation, tout en forgeant un univers poétique et fascinant.
Difficile de ranger dans une case Arooj Aftab tant, à chacune de ses sorties, l’artiste, productrice et chanteuse, brouille les pistes pour mieux nous projeter dans son intimité musicale. En une dizaine d’années, quatre albums studios, des bandes originales pour le cinéma, des collaborations artistiques diverses, Arooj Aftab a délimité un paysage envoûtant à la limite de la pop et de la performance, du jazz contemporain et des traditions indiennes, de Coachella et du MoMa. Un registre défricheur et référencé, nourri d’influences diverses, de l’ambient aux poèmes soufis, du Moog à la harpe, tout en restant lisible.
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De la nouvelle scène pakistanaise à l’avant-garde new-yorkaise
Née il y a une quarantaine d’années à Dubaï de parents pakistanais diplomates, revenue au pays à 10 ans, Arooj Aftab s’est initiée seule à la guitare ou au chant. Écoutant aussi bien Billie Holiday, Mariah Carey que la diva indienne Begum Akhtar, avant que l’arrivée d’un internet balbutiant, début 2000, lui ouvre des horizons inespérés.
À dix-huit ans, elle se fait remarquer par une reprise envoûtante du Hallelujah de Léonard Cohen qui la voit encensée comme égérie de la nouvelle scène pakistanaise. Exilée à Boston pour y étudier le jazz et la production, elle trouve vite sa place dans la nouvelle avant-garde new-yorkaise, dont elle embarque plusieurs de ses membres dans ses expériences artistiques, qu’elle décrit comme “une rencontre naturelle entre le jazz, le folk, le postclassicisme et le minimalisme”.
En 2015, le succès hors-norme de l’album Bird Under Water, collusion entre la musique occidentale et le traditionnel indien, affine son objectif avoué de ‘global soul’, porté par l’incroyable Mohabbat, un des morceaux préférés de Barack Obama. Après Love In Exile sorti l’année dernière, disque plus confidentiel enregistré dans les conditions du live avec Vijay Iyer et Shahzad Ismaily, Arooj Aftab pose un nouveau jalon dans sa carrière avec Night Reign, ode à la nuit et ses sortilèges, à l’introspection comme au besoin de refuge, où s’invitent les prometteurs Moor Mother, Cautious Clays ou Chocolate Genius. Du folk au trip-hop, du piano-cabaret à l’ambient, d’une reprise de haut vol d’Autumn Leaves au piano intimiste de Saaqi, Night Reign, objet habité en subtil équilibre entre l’être et l’éther, est un rêve éveillé dans lequel se perdre. Une alchimie, comme l’explique Arooj Aftab de “déplacement, de réinvention, d’exil, de chaos, de féminisme et de cet entrelacement rageant d’amour, de perte et de tragédie.”
Night Reign (Verve). Sortie de le 31 mai.
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