Evacués de la porte de la Chapelle, à Paris, 449 réfugiés ont été accueillis provisoirement dans un centre universitaire, dans le XVe arrondissement. Alors que des riverains et le maire LR de l’arrondissement se sont plaints de cette installation, ils y reçoivent l’assistance de l’association Aurore, qui s’est occupée de leur prise en charge. Tous espèrent obtenir le droit d’asile.
Ils jouent tranquillement au foot, discutent assis sur un tapis de gym ou font même quelques abdos. Dans le XVe arrondissement de Paris, rue Lacretelle, environ 450 hommes originaires du Soudan, d’Afghanistan ou encore de Somalie dorment à présent sur un campus sportif de l’université de Paris Panthéon Assas.
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Avant, c’était dans le XVIIIe qu’ils tentaient – difficilement – de trouver le sommeil : ces migrants font partie des 2 500 personnes évacuées vendredi 18 août du camp de la porte de la Chapelle – camp qui s’était rapidement reformé après un récente évacuation début juillet, portant à 35 le nombre d’initiatives de ce type depuis deux ans à Paris. Rien d’étonnant à l’heure où les associations estiment qu’environ 70 réfugiés arriveraient chaque jour sur le territoire français, un chiffre en hausse par rapport à l’année dernière,environ 50.
Ici, ils peuvent trouver du repos, de la bienveillance, de l’aide et de l’écoute, surtout. C’est l’association Aurore, reconnue d’utilité publique, qui a coordonné avec la préfecture l’évacuation et l’aménagement du campus, réquisitionné par l’Etat (Etat qui finance d’ailleurs l’opération). “Le sens de notre intervention, c’est la mise à l’abri d’urgence et temporaire de ces gens qui étaient dans une grande situation de vulnérabilité, nous explique Nicolas Hue, responsable du site pour Aurore. Le camp va rester ici seulement pour quinze jours, éventuellement renouvelables.”
Sous des grandes tentes bleues situées non loin de la piste d’athlétisme, plusieurs hommes attendent sur des chaises : ils sont reçus un à un par l’équipe sociale, qui les recense et examine l’avancée de leurs démarches administratives. Car tous ici rêvent d’obtenir le droit d’asile en France, eux qui ont souvent fui des situations difficiles dans leurs pays d’origine.
« Les démarches tout seul, c’est très compliqué »
C’est le cas par exemple Ajhazia, 25 ans. Ce jeune Afghan aux mèches peroxydées est arrivé à la porte de la Chapelle il y a quinze jours, après deux ans de périple. “Je suis parti d’Afghanistan il y a deux ans. Je suis passé par l’Iran, la Turquie, l’Autriche euhhh… Trop de pays, en fait !”
Il loge avec ses amis de fortune, d’autres Afghans rencontrés sur l’ancien camp, dans l’un des deux gymnases réquisitionnés, qui accueillent respectivement 165 et 135 personnes – les autres dorment dans vingt petites tentes blanches installées dehors, qui contiennent chacune dix couchages. Ajhazia est bien plus content ici : “Porte de la Chapelle, c’était très difficile. Il faisait très froid, on ne pouvait manger qu’une fois par jour, le soir, alors qu’ici on a accès à tous les repas. Et puis, c’était très sale.”
Il nous mime un rat qui est rentré une nuit dans sa tente, son pote Issa, 20 ans, qui était là également, confirmant d’une moue de dégoût. Issa espère vite voir sa situation administrative réglée : “Je veux rapidement aller en cours pour apprendre le français.” Lui aussi décrit des conditions sanitaires très difficiles sur l’ancien camp.
A leur arrivée sur le site, ils ont tous reçus un kit hygiène. Ils peuvent aussi prendre une douche, celles-ci ayant été spécialement aménagées pour leur apporter plus d’intimité, eux qui vivent habituellement dans la promiscuité des camps.
“A la base, c’était des douches collectives. Du coup, on a construit des cloisons”, raconte Florian, qui s’est occupé pour Aurore de l’aménagement du site. Il a également installé un réseau wifi, essentiel selon Nicolas Hue pour rassurer les réfugiés : “Ce sont des gens qui sont sans cesse déplacés, qui ne savent pas forcément où ils sont. Avec le wifi, ils peuvent rester en contact avec leurs proches.”
Hafize, Soudanais de 34 ans, aimerait bien appeler les siens “mais ils n’ont pas de téléphone”. Assis sur un gros tapis de gym, il raconte qu’il est arrivé en France il y a un an. Après neuf mois à Strasbourg, il a débarqué à Paris. La conversation a d’abord lieu en anglais mais, tout à coup, un mot en français lui échappe : il le parle très bien, qui plus est. Il nous montre sur son portable le véhicule pour travaux qu’il conduisait quand il travaillait encore au Soudan, qu’il a fui “à cause de la guerre”. Il espère trouver un emploi à Paris, “travaille sur son CV et ses papiers avec les assos, car, tout seul, c’est très compliqué”.
« Il faut faire des actions plus tôt, à titre préventif »
Les démarches administratives sont généralement fastidieuses, le fait d’obtenir un rendez-vous à la préfecture, première étape obligatoire, pouvant prendre beaucoup de temps. Nicolas Hue nous annonce qu’à partir de la semaine prochaine, tous auront un rendez-vous là bas, ce qui leur permettra, en fonction de leur situation, d’être par exemple transférés dans un des Centres d’accueil et d’orientation en France où ils recevront un accompagnement dans leur demande d’asile.
François Morillon, directeur du pôle urgence d’Aurore, se félicite d’avoir pu mettre temporairement à l’abri tous ces hommes, même s’il estime que “le dispositif national concernant le droit d’asile est toujours à construire : le compte n’y est pas encore. Il faut qu’il y ait une vraie régulation nationale des réfugiés, mais aussi du traitement du droit d’asile. La gestion de terminus est moins efficace : il faut faire des actions plus tôt, à titre préventif. Tout le monde y gagne.”
Concernant les propos du maire LR du XVe arrondissement, Philippe Goujon, qui s’est notamment plaint sur Twitter de “500 migrants imposés dans le XVe par le gouvernement contre les élus locaux”, François Morillon, explique qu’Aurore “n’a envie de choquer qui que ce soit, l’important étant de ne laisser personne à la rue et que cela se passe le mieux pour tout le monde”.
Des riverains ont également critiqué l’arrivée de ce camp, dénonçant notamment le fait de ne pas avoir été prévenus à l’avance. “Du coup, quand les gens viennent nous voir, on essaie de faire passer le message qu’on est des professionnels”, assure Nicolas Hue, qui rappelle qu’“l n’y aucun problème sur le site”. C’est vrai : l’ambiance est très calme, apaisée.
Voire un peu goguenarde, quand une petite dizaine de migrants se moquent gentiment de nous – à raison – parce qu’on ne voit pas quel pays est ce que l’on croit entendre être “l’Utopia” – bon, c’était “Ethiopia”, enfin l’Ethiopie, quoi. Certains sont tout de même plus sombres, à l’image d’un grand homme, un peu plus âgé semble-t-il, qui ne souhaite pas nous dire d’où il vient : “Si j’avais un chez-moi, vous ne croyez pas que j’y serais en ce moment même, au lieu d’être ici ?” Et d’ajouter : “Voilà ce qu’on demande au gouvernement français : sauvez nos vies, s’il vous plaît.”
D’autant que tous semblent motivés à l’idée de s’intégrer en France. A l’image de Mojad, Soudanais de 20 ans. Il nous demande de lui apprendre la prononciation de l’alphabet latin, en français et en anglais. Puis écrit sur notre carnet “I’m Mojad from Soudan, very cool”. Il a un cœur dessiné sur la main. Il est very cool indeed.
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