L’intraitable diva soul américaine de retour, au sommet orageux de son art.
Pour beaucoup, Bitter reste le chefd’oeuvre de Meshell Ndegeocello, un saut de l’ange en deep soul, une confession impudique sur un chapelet de torch-songs aussi lugubres que sensuelles. Sur ce disque majeur paru en 1999, la chanteuse américaine pressait les plaies d’une rupture amoureuse pour en faire suinter toute l’amertume.
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Douze ans plus tard lui prend l’envie de palper ces mêmes cicatrices afin d’en mesurer la capacité à suppurer encore. Sont-elles devenues insensibles ? ou est-ce que ça fait encore mal ? Si Weather ressemble à Bitter, c’est d’abord à cause de la production signée Joe Henry, qui a officié sur l’un et l’autre, toute en volutes voluptueuses, toute en climats ombrageux, en funk lo-fi et ballades vénusiennes. C’est aussi en raison des pathologies affectives qu’abritent ces rhapsodies miniatures dont Meshell a fait sa signature et qui procèdent par touches de tendresse, de ressentiment et de lubricité.
Avec le temps, son humeur semble apaisée, quoique sujette encore à dépressions (Feeling for the Wall), à turbulences (Rapid Fire), à passages nuageux (Oysters), à coups de tabac (Dirty World). Sujette aussi à retours d’Ouest, comme en attestent la reprise alanguie du Chelsea Hotel de Leonard Cohen et la relecture a minima de Don’t Take My Kindness for Weakness des Soul Children.
Ainsi, Weather fait autant figure de bulletin de santé que de météo. Il constitue à la fois un brillant résumé d’une carrière de senior et une nouvelle étape dans la vie de celle qui a traversé son époque en se prenant par le milieu toutes les bourrasques auxquelles sa condition la prédestinait. Femme, noire, lesbienne, musulmane, romantique incurable – au point d’en souffrir le martyre –, Meshell a toujours fait de sa détresse une oriflamme et de sa musique un radeau de la Méduse pour coeurs percés. C’est à ce prix qu’elle est devenue l’une des artistes les plus bouleversantes de sa génération, les plus significatives de son temps. Statut que Weather confirme haut la main.
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