“Marcello Mio”, “La Pampa”, “Santosh”… Des films qui questionnent nos identités, en projetant des vivant·es à la place de leurs défunt·es.
Le génial basculement qui se produit dans Marcello Mio, le nouveau film de Christophe Honoré, repose sur un acte aussi impulsif que fou : prendre les habits d’un mort et subitement se prendre pour lui. Ce n’est pas le seul film vu entre hier et aujourd’hui qui accomplit un tel sortilège. Dans Santosh de la cinéaste Sandhya Suri, l’héroïne passe l’uniforme policier de son mari assassiné dans l’exercice de ses fonctions et se voit propulser à son poste, confrontée à l’impunité féminicidaire de la société indienne. Tandis que dans La Pampa d’Antoine Chevrollier, c’est le meilleur ami de l’ado défunt qui enfile sa tenue de motocross pour achever en son nom le championnat et ainsi remplir les ambitions compétitrices du père. Enfin, dans Miséricorde d’Alain Guiraudie, une veuve jouée par Catherine Frot refile au jeune homme qui s’installe chez elle les vêtements de son mari, du pull au caleçon.
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Passer le vêtement d’un mort, en l’occurrence toujours une figure masculine, redistribue dans les quatre films les oripeaux de la masculinité pour mieux s’en dégager. À travers le mythe ressuscité de son père, Chiara Mastroianni s’invente une personna camp et queer. La policière de Santosh vit un empouvoirement qui s’accompagne d’une douloureuse prise de conscience féministe. Tandis que le jeune héros endeuillé de La Pampa finit par rejeter l’autorité du père et l’homophobie destructrice qui l’accompagne. Chez Guiraudie, l’homoérotisme latent invente des masculinités tendres.
Une forme de déconstruction des masculinités
Être homme autrement, c’est ce que propose chacun à leur manière ces films. L’invention de soi y est à portée de fringues et permet de tout renverser ; identité de genre, sexualité et patriarcat homophobe et criminel. À travers ces opérations de déshabillage/rhabillage, ces films accomplissent une forme de déconstruction des masculinités ainsi mise à nu, la plupart du temps celle de la figure du père. Elles disent surtout à quel point la question de l’identité semble s’être assouplie, être devenue plus fluide et sujette à des variations.
Transgressant les barrières de l’hétéronormativité, ces films questionnent nos identités et montrent à quel point elles sont mouvantes. Si Emilia Perez présentait il y a quelques jours une vision finalement assez binaire de la transidentité, c’est peut-être Marcello Mio de Christophe Honoré le grand film queer de la Compétition, parce que la fluidité de genre et d’orientation sexuelle y est pensée en termes de forme et obéit à une constante invention.
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